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Le blog de Robert

22 janvier 2008

Vers l'oasis d'Agmemine et Tignial.

                           Mercredi matin 4h, dans une position adéquate pour l'observation des étoiles, allongé dans mon couchage, le nez à l'air et les yeux grands ouverts, j'étais le spectateur privilégié le plus heureux de la planète. La voûte céleste n'en finissait pas de se poudrer la face par de petits coups de crayons de poudre d'argent. Certains n'en finissaient plus et ce feux d'artifice spatial me rendait tout excité à m'en couper le souffle. Le spectacle m'avait kidnappé des bras de Morphée. La constellation du scorpion avait bien du mal à capter mon regard, car pour mon plus grand bonheur la pluie de poudre d'argent n'en finissait plus. Puis tout à coup le ballet de ces stars de la nuit prit fin. Une petite bise fraîche venait chatouiller le bout de mon nez, c'était déjà le petit matin.

                           La douce lueur du jour effaçait petit à petit les scintillements du tableau noir de la nuit. Le rendez vous matinal avec le soleil, fût très rapide. Ils nous restait peu de temps pour apprécier la fraîcheur de la nuit.  Avec l'ascension du soleil, l'air devenait de plus en plus doux et nous nous lancions dans le rituel de chaque matin; toilette, rasage pour les plus courageux, équipement vestimentaire, provision en eau et quelques friandises. Raser avec une lame sa barbe durcie par le vent sec, la chaleur, la sueur, le sable et la fatigue est le plus grand des supplices, dans le désert saharien. Puisque tous ces poils avaient décidé de résister, alors j'y avais renoncé. Sauf Christian, il avait prévu dans son paquetage un rasoir électrique, à piles!!!!!!. Ce qui occasionna quelques boutades à son adresse de notre part, nous ses compagnons. Mais entre nous, il fût sollicité de temps en temps par chacun d'entre nous, pour un petit rasage succinct et à la sauvette sans trop se faire remarquer.

                            Le petit déjeuner consommé, Gilles nous invitait au briefing pour cette journée. Sur le sable, il traçait notre parcours, en insistant sur les points fort de cette marche.

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        -Parcours du mercredi 25/02/98-

                                                                                     

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- je réinsère cette carte pour un meilleur suivi du repérage de notre progression-

                                  L'objectif de la matinée était d'atteindre l'oasis d'AGMEMINE. Gilles était un peu notre encyclopédie, notre guide du routard du désert mauritanien et ses connaissances nous laissaient souvent admiratifs.

                         Cette oasis fut achetée il y a très longtemps par un grand Marabout. Son enthousiasme et son bonheur furent tellement immenses, qu'il en décidait de nommer ce jardin "Agmémine" en arabe, ou " La demeure de la vraie vie". Toutes ces informations nous donnaient un peu plus de courage, pour reprendre notre marche.

                        Vers huit heures nous quittions Joubilat avec un peu de regrets, pour une marche sans trop de difficultés à travers de superbes dunes. Nous prenions le temps, sans trop en abuser, de les contempler. Nous étions émerveillés  et surpris par ces courbes harmonieuses. A chaque arrivée sur le haut d'une crête, c'était toujours et toujours l'infini qui s'étalait à perte de vue devant nous. Dans d'autres circonstances cela pouvait être décourageant et dramatique, mais là nous étions comblés, mais aussi trempés, car il faisait très chaud.

004__les_Akles

-Les aklès jusqu'à l'infini-

                        Vers neuf heures trente, nous évoluons toujours plein nord et pénétrons dans le dédale des aklés. Ces dunes sont très particulières par leur formation. Elles sont basses et très serrées. Elles sont soudées étroitement et y pénétrer demande une maîtrise parfaite de la marche ainsi qu'une économie de ses réserves physiques. Ce paysage était certainement plus magnifique, que la piste Paris-Roubaix, mais cette formation lunaire ressemblait à une immense tôle ondulée. Dans cette région, le vent souffle régulièrement et toujours dans le même sens, est vers ouest. Ces dunes sont plus mobiles et envahissantes. Malgré nos chaussures qui se noyaient dans ce sable, malgré nos genoux fortement sollicités par ces efforts soutenus et ces pas irréguliers, nous étions en contemplation, là nous étions vraiment des privilégiés. Face à l'infini, nous étions des conquérants fascinés par cet océan figé et silencieux.

                            Cela faisait une heure que nous avancions, quand le tarf du Keidert-Eimert fit éruption de cet erg. Les aklès commençaient à recouvrir en forme d'escaliers, la pente douce de ses collines. Sans doute dans plusieurs décennies,  le tarf sera recouvert par le sable. La direction nord nous éloignait peu à peu des aklès qui se jetaient dans l'oued Touerga.

                                               005_regarder_bien_en_bas_de_photo_notre_caravane_dans_creux_de_dunes

                              -Regardez bien dans deux creux des dunes, notre caravane qui progresse-

                           L'immensité laissait place au tarf qui donnait des limites à  l'horizon. La ville de TENTANE se dessinait peu à peu au-delà de l'oued Touerga. A l'aide de mes jumelles, l'un après l'autre découvrait cette cité saharienne. Sans doute à cause de l'éloignement, cette ville nous paraissait mystérieuse et insolite dans un tel environnement. Et pendant ce temps là, notre caravane disparaissait derrière les dernières dunes, pour pénétrer dans l'oued. Après une rapide descente,  nous étions sur la piste tracée par les soles de nos dromadaires. La végétation de l'oued, s'intégrait en harmonie, en formant une frontière naturelle, entre l'espace sablonneux et le grès sombre du tarf. La distance s'amenuisait entre la ville et nous. Des petites dunes que les alizés poussaient sans cesse, commençaient à cerner Tentane. Combien de temps, toutes ces bâtisses résisteront elles à l'invasion dunaire?. L'idée que rien ne pouvait arrêter cet ensablement, nous rendait songeurs et un peu tristes. Notre guide nous apprenait qu'un médecin Français, nommé Roger, s'était installé dans ce petit coin perdu du monde, pour pratiquer sa médecine; c'était une chance inouïe pour sauver ces habitants des maladies sahariennes.

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-Jardin de l'oued Touerga-

                          Étonnants ces jardins potagers, avec un sol sec et sableux, une chaleur sans pitié, un vent à sens unique et un puits pas très généreux, les jardiniers pouvaient récolter toutes sortes de légumes. En suivant la seule piste à travers ces jardins potagers nous découvrons avec stupéfaction, des carrés  de carottes (en bonne santé!), des haricots verts et bien d'autres légumes.

                             Des enfants surgissaient de ces jardins, et rentraient dans notre train de marche. Ils étaient nombreux je crois, et à coup de "Bonjour comment ça va, ça va bien", tout en criant pour les moins farouches et en souriant uniquement pour les plus timides, dans un parfais français, ils nous accompagnaient jusqu'à la limite des derniers jardins. La chaleur est accablante, nos pas devenaient difficiles sur cette piste pierreuse. Les écarts  entre les vaillants marcheurs augmentaient petit à petit. La fatigue commençait à se faire sentir. Nos pas trébuchaient, c'était en principe l'heure de la pause. Mais nous étions légèrement en retard sur notre briefing du matin et nous ne devions pas mollir!. En suivant cette sacrée piste, nous passons près de belles constructions cubiques, ce qui nous surprenait. D'après Gilles, il s'agissait de greniers à céréales, en berbère " Agadir". La piste s'élargissait au fur et à mesure que nous avancions pour enfin nous conduire parmi des cases faites de palmes et de roseaux. Les dômes des toitures brillaient sous le soleil. Ces habitations étaient dispersées sur une vaste étendue de sable dur, elles étaient disposées par groupes de deux ou trois. D'assez loin ce village semblait déserté. Notre arrivée avait suscité une certaine effervescence et comme à chaque fois des enfants se joignaient à nous en nous interpellant. Nous en profitions pour ralentir et même nous arrêter. Des occupants de certaines cases sortaient, certainement inquiets par les cris des enfants. Robert et Christian furent interpellés par une femme, qui rapidement étalait devant sa case un tapis, pour y installer des objets: théières de toutes sortes, des colliers et bracelets, des corbeilles et même quelques magnifiques poignards. Sous son insistance nous sommes gênés de partir sans rien acheter, car l'heure n'était pas à faire du troc, mais à se détendre à l'ombre de cette oasis qui nous ouvrait largement cet éden aux magnifiques palmiers. Christian et Robert avant de partir rassuraient cette nouvelle commerçante, qu'ils seraient de retour après le repas. Pas dans la langue Française, ni Mauritanienne, mais dans un langage gestuel. C'était amusant de les regarder faire. Quelques centaines de mètres nous séparaient de cette extraordinaires oasis.

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"L'accueillante oasis d'AGMAMINE"ou "la demeure de la vraie vie"

                          Enfin du vert de vert et  des arbres, ils étaient surprenants tous ces palmiers. Ils n'étaient pas très hauts et poussaient en bouquets, ce qui donnait un petit air de parc public. Le sable chaud reflétant les rayons du soleil, circulait à travers ces bosquets miniatures. Pas de comité d'accueil en vue, nous ne savions pas où nous diriger et nous n'étions pas certain que notre caravane était déjà installée. Atman fit éruption de l'ombre d'un bosquet en nous indiquant l'emplacement de notre bivouac. Nous étions heureux de vite nous libérer de nos sacs, pour vite nous allonger sur le sable bien plus frais que celui des pistes,  dans cette ombre épaisse.  Pendant ce temps là, Atman disparaissait, comme un fantôme, puis revenait avec les verres de thé fumant sur un  plateau. Nous étions bien, dans l'ombre de cette forêt saharienne, à en oublier presque la chaleur accablante. Le thé chaud et bien sucré, calmait nos petites douleurs. Une salade de riz apaisait vite notre faim, suivie d'une orange mauritanienne bien sucrée et juteuse. Pendant le repas Atman nous apprenait qu'un puits se trouvait quelque part dans l'oasis. Quel bonheur!!!, mais pour le moment notre préoccupation était de faire une petite sieste à l'ombre et nous reposer. Armée de mon savon et ma serviette, j'étais déjà  à la recherche de ce fameux puits, c'était un jeu de piste. L'oasis était assez grande pour être vite découragé et perdre tout espoir d'une bonne douche dans le Sahara....Le puits aurai pu m'échapper, mais rien ne pouvait passer inaperçu à ce moment là, car une envie d'eau claire et fraîche me faisait suspecter toute forme qui pouvait me rappeler un puits. Le voilà, c'était un trou d'au moins un mètre cinquante de diamètre. Quelques pierres déposées tout autour soutenaient une tôle ondulée. Sur le sable, un seau de caoutchouc noir était prisonnier d'une corde qui ne me semblait pas trop résistante, pour accomplir sa tâche. Après un coup d'oeil à trois cent soixante degrés, pour me rassurer que j'étais bien seul, je me  retrouvais comme Adam. Je tirai sur sur cette corde de ce trou noir. Le seau sortait de l'ombre du puits pour me surprendre. Il était presque vide. Je ne comprenais pas. Ce seau était percé sur sa circonférence  à dix centimètres du fond. Tant pis je versais déjà ce peu d'eau sur moi. Ce fut un délice, le rêve quoi!!!. Après deux ou trois aller retour, j'étais bien trempé. la douche terminée, je me sentais bien plus léger qu'au matin dans les aklès. En fait, le seau était ainsi percé pour éviter tout simplement le gaspillage de cette eau sacrée. De retour au bivouac je mettais au courant Christophe de ma découverte et l'y conduisais, en lui expliquant le coup du seau percé...Christian et Robert avaient choisi de retrouver la marchande de souvenirs!!!. Le reste du campement dormait. Lorsque Christophe était de retour, suivi de nos deux explorateurs qui avaient fait quelques achats,  notamment une belle théière de métal argenté et  ciselé, Gilles sonnait le réveil de la troupe. Les dromadaires comme avant chaque départ, se faisaient entendre, toujours avec les même vocalises. Nous les comprenions, car reprendre le chemin, après la sieste, était fortement démoralisant. Nous étions prêts.

                        Avant le départ, nous finissions de remplir nos gourdes. Nos chevilles et rotules grippées, auraient apprécié une prolongation dans cet îlot de verdure. En baroudeurs presque confirmés, dans un effort surhumain et sans nous attendrir sur l'état de nos articulations, nous emboîtions le pas dans la foulée derrière Gilles. Nous avions bien du mal à rentrer dans la marche et nous regrettions déjà "La demeure de la vrai vie". Mes mollets étonnés par ce départ précipité étaient déjà douloureux à la limite de la déchirure musculaire. Maintenant toute l'équipe suivait notre "gazelle" qui, nous étonnait toujours par sa condition physique. Normal c'était LE CHEF!!!.

                        Un chemin traversé par un filet d'eau qui creusait à peine le sable, nous éloignait sans détours et avec regrets de la palmeraie. Nous traversions rapidement cette zone humide, en se faisant le plus léger possible pour éviter l'enlisement. Puis la température de son coté, ne nous épargnait pas avec sa chape de 36°. Sous le cheich mon crâne restituait déjà toute l'eau stockée avant le départ. Je fus étonné par le volume d'eau bu, sept à huit litres, en une journée durant cette randonnée. Les soulagements de la vessie, malgré cette quantité d'eau, furent très rares.

                         L'oasis disparaissait en douceur derrières les dunes de l'oued, quand tout à coup, la piste nous opposait au premier abord, à un chaos minéral inquiétant pour nos gambettes. Nous restions immobiles juste le temps de trouver un chemin idéal à travers ce dédale de roche noire. Après observation, des petites sentes sableuses sillonnaient au milieu de cette croûte minérale et  luisante au soleil. Sans doute une pluie très lointaine, avait fait tracer ces petits chemins, en pensant qu'un jour ils nous serviraient à nous conduire au sommet de cette colline.

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Cette croûte noire et luisante, tintait sous nos pas, comme du métal.

                         Après une bonne heure d'ascension, je commençais à resentir une drôle d'impression, comme si j'étais seul dans cette galère. Effectivement, à 360° j'étais bien seul. J'essayais  en vain de repérer une silhouette, quelque chose en mouvement, rien!!!. Avais-je été semé par mes compagnons, ou avais-je semé mes compagnons?. Là était la question. Une chose me rassurait, notre point de chute, sur la dune qui dominait cette colline que je commençais à distinguer. Donc pas de panique à bord et continuons notre ascension péniblement, après quelques gorgées d'eau tiède de ma gourde. Le doute commençait à s'emparer de ma carcasse fatiguée, les reverrai-je une fois arrivé là haut? Dans le désert la fatigue laisse la porte ouverte à toutes sortes d'hallucinations comme les mirages, et à toutes sortes de pensées bizarres, comme s'imaginer assis sous un parasol, les pieds dans une eau claire et limpide, en dégustant une bonne bière bien fraîche, ou alors une immense panique qui vous fait battre les tempes, comme ce fut le cas. La peur à mes trousses me donnait des ailes et mes pas devenaient plus rapides et plus longs, sans tenir compte de l'état de mes articulations. J'avais l'impression de marcher sur mes rotules. Je comptais énormément sur la résistance de mes chaussures, car mes pieds devenaient maladroits et rataient souvent leur points de chutes. Mes chevilles imploraient ma pitié, mais je ne les entendais pas. J'avançais tête baissée, le nez laissant échapper de temps en temps quelques gouttes de sueur. Le magma noir solidifié, le sable et quelques hautes herbes défilaient à une vitesse marathonienne sous mes yeux rougis par la sueur que mon cheich ne pouvait plus absorber. Panique quand je te tiens tu ne me lâches plus!!!.La théorie énonçant: "les moments de bonheur sont les plus courts et les moments de malheur sont les plus longs", était applicable à ce moment là. Mais j'osais espérer que pas un théoricien ne pût jusque là, dicter ou écrire cette ridicule maxime. Mes mollets étaient à la limite de résistance sous les coups de butoirs de mes talons portés au sol, tantôt très dur, tantôt mou. Mon sac à dos devenait  de plus en plus lourd. Avec la mort à mes trousses, serai-je obligé de me délester peu à peu de mes affaires, comme dans un mauvais film d'aventure ?. non car déjà l'air frais soulevait avec légèreté le sable de la dune qui cernait la crête rocheuse, dominant le colline. Enfin la récompense arrivait et je m'allongeais sur la dune respirant à plein poumon, face au vent léger. J'ôtais mes chaussure en espérant une apparition imminente de mes compagnons. Ce fut le cas. A quelques dizaines de mètres à ma droite sur la crête de la dune, Christophe en tête suivi de Dominique et des autres me rejoignaient. Les retrouvailles furent chaleureuses. J'avais cru déceler quelques inquiétudes dans le groupe à mon sujet. IL fallait vite tourner la page de cet épisode. Entre nous j'étais un peu fier d'être arrivé seul dans cette aventure. Moralité, dans le désert ne jamais perdre de vue ses compagnons, sans pour cela marcher sur leurs godasses, être très attentif au changement de son environnement et toujours prendre un point de repère au fur et à mesure de la progression.

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Retrouvailles la haut sur la colline

                            Guidés par Gilles, nous explorions le site à la recherche d'une grotte, où des gravures rupestres témoins d'une civilisation vieille de cinq milles ans étaient encore visibles. La visite terminée, nous partions maintenant retrouver notre caravane qui devait en principe nous attendre au bivouac. En descendant la face nord du tarf en direction du bivouac, nous apercevions notre caravane qui progressait lentement dans un pâturage devant faire certainement le bonheur des chameaux. Nous le rejoignions rapidement. Heureusement l'endroit du campement était très proche. Nous apprécions le moment où la caravane s'arrêtait. Nous n'étions pas les seuls, car les animaux aussi avaient l'air heureux et ils nous le faisaient savoir par leurs blatèrements de soulagement. L'endroit était assez plat et confortable pour tout le monde. Et comme chaque soir, nous partions à la recherche d'un emplacement idéal pour la nuit. Nous étions arrivés à Tignial.

                            Gilles participait déjà à la préparation du dîner, nous les marcheurs fatigués par cette belle journée harassante, de marche forcée et avec de souvenirs plein les yeux, nous nous préparions comme tous les soirs, afin de passer une bonne nuit réparatrice. Ce soir là, les dromadaires ne seront pas conduits très loin pour les pâturages, nous étions dedans. Après le thé infusette et quelques biscuits, la position horizontale était la meilleure après les soins portés à mes pieds. Le soleil se faisait discret derrière la colline et notre bivouac s'enveloppait petit à petit dans son manteau de nuit. Ce soir là, de hautes flammes éclairaient le campement pour éloigner la fraîcheur nocturne. A sentir cette odeur de cuisine qui flottait sur nos têtes, notre appétit grandissait très vite. Ce soir là plat unique, un couscous nous était servi,préparé par Atman aidé de Gilles et des autres chameliers. Jusque ce soir au niveau de l'intendance nous étions très satisfaits. Mais pour ce dîner là nous avions été comblés en toute simplicité. Tous les meilleurs épices d'Afrique étaient dans notre assiette, ils nous réchauffaient et nous conduisaient dans un sommeil bien mérité. Les discussions autour du feu avaient été très courtes.

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En descendant la face nord du tarf, en direction du bivouac, nous apercevions notre caravane.

                                   Jeudi 26 février six heures trente, par dessus les dunes le ciel s'irisait de douces et chaudes teintes, orangées et rosées.  Le spectacle à ne pas manquer dans un désert, ce sont les premières lueurs du jour. Sortir le bout de son nez de sa couette et  laisser la dernière fraîcheur de la nuit vous réveiller tout doucement. Encore un petit effort et vous êtes assis sur votre lit. Vous tâtez le sable, il est frais. Alors vous explorez autour de vous et personne ne s'agite sur le campement. Tout est calme. Très près de vous, le premier moula-moula s'impatiente sur une herbe, en attendant quelques reliefs du petit déjeuner. Si vous avez un peu de chance vous pouvez surprendre une  petite gerbille qui abandonne votre bivouac en zigzaguant, avec la petite touffe de poils du bout de sa queue qui s'agite dans tous les sens. Avec un peu plus de clarté vous devinez les formes allongées de vos compagnons dans leur duvet. Si vous êtes au milieu de la pâture, comme ce matin là, vous pouvez voir un dromadaire profiter de l'herbe recouverte de rosée matinale. Ces instants là sont magnifiques. Mais ce matin là mes douleurs de la veille, me retenaient un peu plus que d'habitude, dans le fond de mon couchage, J'avais raté ce spectacle, alors que les premiers rayons accentuaient déjà le relief des gracieuses dunes.

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Vous pouvez voir un dromadaire...

                                 Vers huit heures trente, après un très bon petit déjeuner et le briefing, nous partions en direction du nord-ouest. La roche remplaçait très vite le sable moelleux. Nous devions franchir la crête rocheuse du tarf. Tout ce qu'il fallait pour faire resurgir nos vieilles douleurs de la veilles. Nous atteignions rapidement les hauteurs malgré les petites courbatures. La vue panoramique que nous découvrons, était surprenante. Nous surplombions  l'oued Jouali Térabane avec ses jardins dissimulés dans le creux des dunes en premier plan, puis les barcanes océan de sable aux formes divines, que le soleil embrasait délicatement. Dans ces jardins les alizés faisaient danser les majestueux palmiers. Une muraille de dunes protégeait le travail de l'homme, qui devait être expert en jardin, car nous fumes surpris par la diversité de légumes cultivés dans ces plates bandes d'une couleur verte à vous couper le souffle. Des palissades de roseaux abritaient une plantation d'acacias qu'un berbère arrosait délicatement, l'un après l'autre les jeunes plans, avec une boite de conserve et l'eau d'un seau métallique. Cela pouvait être le symbole de la vie et de l'espoir. Le Mauritanien est persévérant, fier et tenace. Tous les éléments de cette rude nature ne semblent pas être un obstacle. Tant qu'il y a de l'eau il y de la vie. Nous  continuions notre découverte. Des palmiers nous donnaient l'impression d'être hissés vers le ciel par les dunes. Certains même, résistaient à l'engloutissement fatal du sable en mouvement. Combien de temps ces superbes jardins pouvaient-ils résister à cette invasion? Nous les abandonions avec regret.

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Puis les barcanes, océan de sable aux formes divines...

                          Les alizés commençaient à forcir dans l'oued Térabane, et les Barcanes s'agitaient maintenant. Le sable dansait sur ces dunes et nous commencions en subir les inconvénients. Mais le supplice ne dura pas longtemps, la danse du sable nous poussait maintenant, dans notre direction nord-ouest. Nous apercevions loin devant nous la caravane. Les chameliers avaient ralenti leur cadence. Le sable danse de plus en plus haut. Nos paupières se plissaient pour éviter ce sable volatile et nos dents commençaient à grincer. Nous arrivions à rejoindre la méharée. Atman me propose de terminer cette marche, transporté par un de ses vaisseaux du désert. Pauvre bête en plus, elle fut forcée également de transporter mon sac. A observer ma trombine, Atman comprit que cela ne m'enchantait pas trop d'imposer cette charge à ce pauvre chameau. Mais il arrivait à me persuader, ayant pour arguments que ce chameau avait porté bien plus lourd que moi et mon sac. Enfin je me laissais tenter.  Atman fit plier les jambes avant du chameau. Il m'aidait à monter, car j'étais vraiment maladroit. Les chaussures sont interdites sur le dos de ma monture. Elle avait beaucoup de difficultés à se redresser. Perché à deux mètres du sol j'étais confortablement installé sur une peau bien laineuse, souple à souhait. En fin de compte je n'étais pas si mal que cela, alors que mes autres compagnons continuaient la marche. Puis ce fut au tour de Christophe de prendre place sur un autre taxi du désert disponible. Le chameau de Christophe avait beaucoup de mal à se redresser. Les autres compagnons commentaient avec beaucoup d'ironie cette situation....

                      Devant nous le relief devenait plus plat. L'oued Térabane perdait de sa largeur, et devenait plus accueillant, de  hauts buissons et de magnifiques acacias, cassaient la monotonie. Le vent chaud reprenait de sa force en rentrant dans un couloir, formé de part et d'autre de murailles rocheuses. La chaleur également s'amplifiait. Cette piste nous conduisait dans l'oued Abviode. Maintenant le paysage changeait d'aspect, au rythme de notre progression. La fin de la matinée était proche et le soleil au zénith ne nous épargnait pas. Nous étions perdus dans une immense vallée où le sable toujours en mouvement s'accrochait désespérément à la moindre touffe d'herbe, pour essayer de faire naître une ridicule dunette maigrichonne. Nous ne sommes pas seuls dans cette vallée où, deux mauritaniennes moulées par le vent dans leur voile noir, suivaient deux ânes. Sur l'un, un enfant à l'allure très fier, se laissait transporter. Atman fit ralentir la caravane. Notre bivouac ne devait pas être bien loin. Aussitôt pieds à terre, nous soulagions nos pauvres chameaux. Le vent compliquait légèrement notre installation. La  végétation avait semble-t-il résisté aux agressions du temps dans cet endroit. Atman et Gilles, après avoir trouvé un emplacement, décidaient de dresser la tente de toile blanche, la Khaïma, pour nous abriter  du sable, durant le repas.

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la khaïma, pour nous abriter surtout du sable durant le repas.

                            La dégustation du traditionnel "thé in the Sahara", nous permettait de nous reposer sous ce chapiteau saharien. Christophe et Gilles, aidaient déjà Atman à la préparation d'une délicieuse salade composée, plat unique mais tellement savoureux. Nous avions même eu  droit  aux miettes de crabe, c'était l'opulence. La marche de la matinée nous avait largement ouvert notre appétit, puisque pas une olive et une miette ne purent résister à notre faim.  Maintenant malgré les intempéries, chacun  d'entre nous partait faire sa petite sieste, dans un endroit le moins venteux possible. Je tournais le dos au vent, installé sous un immense acacia, pas très loin de la khaïma, face à la grande dune de Chatou El Srir, que nous devions escalader dans l'après midi. Le vent n'avait pas l'intention de se calmer. Il maltraitait les pauvres branches de mon arbre hospitalier. Transportés par ce vent, des ronflements de quelques dormeurs, sans doute très fatigués me parvenaient. Je résistais au sommeil, pour profiter amplement de ce bonheur. Paradoxalement, j'appréciais  vivement ces moments de repos, dans cet environnement plutôt accablant par la chaleur, puis le sable volant, et aussi les mouches dans leur symphonie saharienne, qui tentaient désespérément d'accomplir un plan de vol assez tumultueux, contre le vent. Atman notre saharien accompagnateur, méhariste et cuisinier avait l'air de profiter pleinement de ces moments de répit, assis à quelques mètres de ma position. Oh surprise Gilles a déjà son petit sac sur son dos!....Il fallait se résigner à partir. Dans l'oued Abviode écrasé sous un soleil de plomb, le vent perdait de sa force. Je regardais derrière nous, regrettant notre bivouac. Nous progressions lentement, sauf  Dominique  qui avait pris de l'avance.  Notre guide se retournait souvent comme pour nous encourager. Bien loin devant nous, au pied de Chatou el Srir l'oued prenait un virage à 90°vers la gauche.

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Bien loin devant nous, au pied de Chatou el Srir, l'oued prenait un virage à 90°vers la gauche.

                                   Le vent d'est dominant, aidait régulièrement le sable de couleur ocre, à s'envoler de l'autre côté de Chatou El Srir pour s'en aller former une étonnante dune de cent vingt mètres de hauteur, accrochée  à l'autre versant. Celui que nous devions escalader, était plutôt rocailleux et dans une forte déclinaison. De loin, cela ne nous paraissait pas trop pénible à grimper. Nous nous rapprochions lentement. Christophe nous fait  désespérément signe, en nous indiquant l'endroit où un fennec s'était laisser surprendre dans son déplacement.  Pour le plaisir des photographes, des dromadaires se trouvaient dans le cadre de Chatou El Srir, broutant paisiblement les petites feuilles inaccessibles des acacias. Maintenant nous contemplions de très près Chatou El Srir, et nous commencions à jauger nos efforts pour arriver au sommet. Il fallait évoluer au milieu d'énormes rochers d'un éboulis, ce qui allait compliquer et ralentir notre ascension. L'insistance de mes compagnons m'aidait à me surpasser et oublier le vertige. En général, le plancher des vaches ( des dromadaires ) me convient très bien. Plus tard dans d'autres randonnées et dans le Hoggar, plus précisément la maîtrise du vertige se fera et je sortirais vainqueur de ces expériences.

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Nous voici au sommet de Chatou El Srir

                       Nous voici au sommet de Chatou El Srir, et nos efforts en furent récompensés par une vue à trois cent soixante degrés qui s'offrait en nous émerveillant. Le soleil sur le chemin du crépuscule, commençait à dorer cette dune qui dévalait sous nos pieds pour se perdre jusque dans une forêt de calotropis. Devant un si beau spectacle, le silence est toujours de rigueur, nous restions admiratifs quelques instants. Avant de reprendre notre marche, je prélevai un petit échantillon de ce sable aussi pur que l'air qui nous enivrait durant cette pause.

                       Par sa déclivité, la pente était impressionnante. Il fallait maîtriser sa vitesse, en plongeant profondément dans le sable encore chaud, le talon droit et se redresser le plus possible, pour ne pas se laisser emporter.

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Il fallait maîtriser sa vitesse, en plongeant profondément...

                         Ce fut notre récompense, de dévaler cette dune en quelques secondes. Mais en bas, dans l'oued Abviod, nous étions forcés de nous délester du sable que nos godasses avaient récupéré pendant cette descente vertigineuse. Nos mollets avaient perdu leurs contractures dans une course vers les profondeurs de l'oued. Nous continuions notre randonnée en traversant une impressionnante concentration de calotropis. Après une demi heure de marche, nous franchissions la dernière dune qui nous faisait obstacle. Le versant nord abritait notre bivouac du petit air déjà rafraîchis, qui annonçait le début de soirée.

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Nous continuions notre randonnée en traversant une impressionnante concentration de calotropis

                     Notre bivouac ce soir là ressemblait à un immense nid douillet entouré de belles dunes. Nous avions l'avantage de trouver quelques acacias, qui nous donneront un peu de bois sec pour l'intendance. Nous étions seuls et notre caravane n'était encore pas au rendez vous. Nous en profitions pour aller explorer notre nouvel environnement. A l'est, les dunes étaient assez hautes et se teintaient des douces couleurs du soleil couchant. J'avais pris position sur l'une d'elles. De mon poste d'observation, j'apercevais la caravane qui se dirigeait vers nous, en suivant la crête des dunes. C'était toujours une joie de voir évoluer une caravane, à l'heure où les ombres s'étiraient. Assis sur ce sable encore chaud, je profitais de ce spectacle jusqu'à son arrivée au  bivouac. Les dromadaires étaient déjà délestés de leur chargement avant mon retour au campement. Le feu était alimenté par Atman, qui pour nous récompenser, nous préparait un bon thé bien mérité. C'était la dernière nuit que nous passions dans ce vrai désert, et elle se devait d'être belle et inoubliable. En attendant le service du thé, je profitais de ces moments de détente pour faire quelques photos souvenirs de ce formidable groupe. A observer les visages de chacun, chameliers et randonneurs, j'étais sûr que nous partagions le même bonheur. Ce bonheur pour avoir admirer des paysages magnifiques, ce bonheur pour avoir pu conduire ces randonneurs jusqu'au bout du chemin, ce bonheur pour avoir passer ces six jours sans accidents, Atman était fier et heureux.

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Atman était fier et heureux.(assis à gauche du feu, son cheich noir sur les épaules)

                     La nuit gagnait du terrain et ils nous fallait préparer notre couchage. le dîner fut chaleureux, ce fut le moment pour revivre en commun les meilleurs souvenirs. Les flammes montaient très hauts. Elles étaient si lumineuses qu'elles arrivaient à sortir de l'ombre les douces pentes des dunes qui nous protégeaient, de quoi?, mais des indiens voyons!!!. Nous étions tous des enfants ce soir là et nous allions laisser libre cours à nos rêves.

                    J'occupais un poste périphérique du bivouac, je voulais être seul au monde pour cette dernière nuit. Je revivais sans doute, de mes jeux d'enfants près du beau feu que j'avais allumé avec quelques branches bien sèches de calotropis et d'acacias. C'était mon feu et il éclairait aussi bien que celui du bivouac, il ne manquait plus que les indiens, ben oui, je vous le disais bien!...

                    De mon sac, Morphée ne m'y avait pas encore kidnappé, car des mélopées accompagnées par des percutions déviaient mon attention bien au-delà du campement, et le sommeil cette nuit avait pris beaucoup de retard malgré la fatigue. Ces chants venaient du village de Tounga que nous devions traverser plus tard. Ils semblaient exprimer une joie, que tout le monde ici avait certainement  envie de partager. En fin de compte, ces messages de liesse finirent par nous transporter dans le monde du sommeil, après nous avoir bercer sous les constellations d'Orion, des Gémeaux et de la Grande Ours.

                    Nous sommes vendredi 26 février, une petite bise du jour qui pointe nous rafraîchissait. De mon feu de camp de la veille, avait survécu qu'une poignée de charbon. Rapidement je partais à la recherche de bois sec, alors que le campement était encore sous ses couvertures. Un bon petit feu m'encourageait à me préparer et rassembler toutes mes affaires dans mon sac. Pendant ce temps là, le bivouac s'activait et le dernier petit déjeuner du désert était prêt, puis consommé.

                   Maintenant il fallait escalader les remparts de notre campement. Les dunes assez hautes mettaient vite  nos jambes encore endormies à l'épreuve. Le souffle court, j'arrivais tout de même  à suivre Gilles. Arrivés sur la plus haute dune, nous jetions un dernier coup d'oeil derrière nous sur notre bivouac de la veille.

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nous jetions un dernier coup d'oeil derrière nous sur notre bivouac de la veille.

                         Nous regagnions l'oued Abviode vers 9h00, et traversions du reg. Le changement de technique de marche, nous imposait une vigilance soutenue, pour éviter l'entorse sur des pierres rondes et qui se déplaçaient facilement sous nos pas. Sur notre droite nous apercevions le village de Tounga, d'où nous parvenaient les mélopées de la nuit précédente. Avec mes jumelles je pouvais constater, que certaines maisons sont construites en pierres de formes rectangulaires et d'autres de formes rondes, sont entièrement recouvertes  de palmes séchées. Les constructions de pierres étaient des maisons communes et les demeures se groupaient par paires, par trois ou quatre. 

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Le village Tounga.

                        Nous étions séduits par cette harmonie de couleurs, nous étions en contemplation devant Tonga, ce superbe tableau, accroché au versant du tarf. Je songeais aux chants de la veille, j'aurai donné beaucoup pour être parmi ces villageois. Nous traversions le village, par le chemin principal. Nous étions rejoints par des femmes très souriantes. Nous échangions nos politesses. Gilles n'avais l'intention de s'arrêter et nous le regrettions, mais il nous fallait arriver sur piton qu'il était possible d'atteindre seulement en traversant un dédale de cailloux. La cadence rapide de nos pas déplaçait ces pierres dans un bruit métallique,et nos chevilles souffraient en silence. Au point le plus haut, ces pierres étaient utilisées par un homme qui construisait un petit bâtiment. Il disposait ces pierres avec adresse et perfection. C'était de l'art. Le choix de cet emplacement était bien étudié car la future maison dominerai toute la vallée. Ce que nous constations lorsque nous arrivions tous au bord de cette falaise qui dominait une immense oasis. Des milliers de palmiers dattiers s'étalaient à perte de vue, c'était magnifique. Nous n'avions jamais vu autant de palmiers en une seule concentration. Ce panorama était époustouflant, il nous rendait muets. Un vent léger faisait balancer ces milliers de palmes dans un mouvement de vagues, qui étincelaient sous les rayons du soleil.

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Ces ondulations luisaient sous le soleil au zénith.

                         Pour pénétrer dans ce jardin d'Eden, nous devions faire un plongeon d'une trentaine de mètres. Je pense que nous n'avions jamais été aussi rapides, mais la descente fut périlleuse. Des pierres roulaient sous nos pas. Nous traversions rapidement cette oasis car nous étions dans des jardins. Un jeune berbère nous rejoint. Il transportait sur son dos un sac, rempli de haricots verts qu'il venait d'acheter. Il nous précédait dans une bonne foulée. Ce chemin devait être le sien. Nous quittions l'ombre des palmiers pour des tamaris. L'eau ne devait pas être loin. Nous suivions une piste au pied d'une falaise. Ce chemin faisait des caprices. Nous étions forcés pour le suivre de monter et descendre accrochés à cette falaise. Il était dix heure trente lorsque à travers de très gros rochers de granite, nous apercevions une magnifique guelta. C'était le célèbre guelta de Tounga, qui dormait dans un immense cirque cerné par un plateau gréseux qui s'ouvrait largement dans la direction du nord et à perte de vue sur un reg de roche noires. L'eau était turquoise et limpide. Sur la paroi de la falaise on pouvait remarquer les traces des différents niveaux d'eau. D'après notre guide en décembre de l'année précédente le niveau était plus haut de dix mètres au moins. Cette guelta était alimentée par des nappes phréatiques, dans les profondeurs du plateau gréseux. Nous avions tous une seule envie, c'était de tremper nos pieds meurtris. Mais l'eau est toujours un trésor dans le désert et mettre ses pieds dans ce réservoir de vie aurait été un sacrilège. Donc nous nous abstenions. Cette eau était la propriété de nos hôtes, les berbères.

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C'était le célèbre guelta de Tounga

                       Au centre de cette photo sur une plate-forme au dessus de l'eau, vous pouvez apercevoir notre petit groupe, profitant de la fraîcheur de la guelta. Si nous voulions ne  pas  porter notre  guide, durant la suite de notre périple, il fallait  maintenant nous occuper de son pied gauche. Notre guide marchait les pieds nus dans ses sandales. Ses pieds noueux, avaient la même couleur que ses sandales, brun foncé. Forcés d'affronter le sable brûlant, les regs et les rochers aux arêtes affûtées, des versants du tarf et le cram cram, ses pieds brunis par le soleil, étaient tels des morceaux de bois secs et noueux. C'était un vrai marcheur expérimenté.

                          Le cram-cram est une graine très sèche et dure. En forme d'étoile à six branches, cette arme secrète de la nature est la hantise des touaregs et des pauvres marcheurs comme nous, en quête d'aventure. Chacune de ces branches se termine par un petit hameçon aussi résistant que le bois des acacias. Si cette graine arrive par malheur à percer le cuir de votre voûte plantaire, vous avez toutes les peines du monde à vous en débarrasser et si vous y arrivez, c'est dans la douleur que l'opération se passe. Donc tous le groupe se mit aux petits soins de Gilles, qui en profitait pour se faire dorloter. "c'est bien la première fois que je me fais soigner par des hommes", nous disait-il. Et nous en profitions pour nettoyer ce pied...!.

                        Après l'effort le réconfort, des fruits secs firent notre affaire et nous endossions ce sac à dos, qui avec la fatigue aidant, devenait de plus en plus lourd!. Une fois la paroi de sable péniblement escaladée, nous progressions dans un reg de roche noire luisante et coupante. La progression se fit vers le nord en direction de Chatou-el-Kébir. cette petite montagne ressemblait étrangement à Chatou-el Srir de la veille. C'était le même massif gréseux contre lequel une magnifique dune s'adossait côté versant ouest. Nous contournions par l'ouest ce massif, tout en admirant pour une dernière fois une dune digne de ce nom. Des femmes et enfants nous accueillent à la traversée du village d'El Kébir, certaines nous rejoignent et leur hospitalité nous étonnait beaucoup. Des signes d'amitiés furent échangés. Des enfants tout en chahutant nous accompagnaient et nous réclamaient des cadeaux. Poussés par un vent très chaud, nous arrivions enfin au dernier bivouac.  De nos chaussures lourdes, fatiguées et remplies de ce sable, nous nous délestions, tout en regrettant tout de même notre compagnon de chaque seconde, le sable. Nous l'avions admiré sous toutes ses formes, mangé quelques fois, mais jamais maudit!. Nos chameliers sont déjà installés sous la grande coupole d'un mimosa saharien. Soucieux de notre confort, ils avaient débarrassé cette aire de repos de toutes ces épines fines et blanches qui pouvaient nous blesser. Cette matinée fut pénible et nous nous retrouvions vite en position allongée, pour consommer pleinement de cette douceur de vivre, même dans ces contrées hostiles.

                     Ce fut alors le moment de préparer le dernier repas dans le désert. Gilles, accopagné de Raymond et Atman se lançaient à préparer une salade composée. De la présence de morceaux de pommes dans cette salde, Dominique s'en étonnait. Mais cela ne ralentissait pas sa faim. Christophe n'a pas trop faim, moi non plus. L'excellent thé d'Atman nous avait suffi. Les enfants du village très proche, étaient là, autour de notre bivouac. Raymond se mettait à l'écart, traînant son sac à dos. Peu de temps après avoir déguster ce fameux thé, je partais en quête d'un endroit calme et ombragé. Un mal au ventre commençait à m'inquiéter. Dans ces moments là, les dunes sont drôlement hospitalières. Le vrombissement des véhicules 4x4 nous arrachaient à notre sieste.

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Des enfants tout en chahutant nous accompagnaient

                       Nous nous mettions en condition, pour abandonner ce paradis d'un autre monde. Nous regrettions déjà les moments les plus pénibles, cette dégustation du bonheur autour du feu, le soir sur le sable encore chaud. Nous regrettions aussi les nuits étoilées traversées en rêves dans une autre planète. Nous étions tout à coup, obligés de subir ces chevaux de fer et regrettions les blatèrements de nos compagnons les dromadaires.

Nos sacs changeaient de montures, pendant que les chameliers se reposaient tout en assistant aux préparatifs du départ, vers le civilisation. C'est le moment de faire nos adieux à nos compagnons berbères, qui durant six jours nous ont aidé à profiter au mieux de leur désert et à l'aimer. La déchirure fut émouvante.

Maintenant toujours en direction de ce nord, nous sommes installés dans ces chars d'assaut, résistants à toutes épreuves. Par une piste en moyenne corniche, après deux heures de route, un de nos véhicules a des problèmes de radiateur. Nous  sommes étonnés de constater la manière de traiter cette panne. Avec l'eau d'un puits très proche, le pilote arrosait copieusement le moteur d'où une épaisse vapeur s'y dégageait. Après refroidissement du moteur, nous continuions notre chemin, avec la peur au ventre de terminer en carcasses desséchées dans ce massif. Maintenant nous traversons le village d'En ouakâne Tifoujar qui se trouvait à une heure de piste d'Atar. Cette piste nous conduisait vers un poste de gendarmerie pour subir un contrôle, étrange situation après ces jours de liberté. Tout se passa bien, nous étions en règle!!!!!!Ouf!!!

Nous quittions cette piste, pour circuler sur une route digne de ce nom, et bitumée de surcroit. Les premières habitations d'Atar nous escortaient pour passer devant un bâtiment hébergeant des militaires français en coopération en Mauritanie. Mais cette voie goudronnée est très courte et nous voilà maintenant dans la poussière des rues d'Atar. Arrivée à l'auberge, point de départ de notre randonnée, ce fut le moment de dire adieu aux belles dunes, barcanes, palmiers, plateaux gréseux, guelta et surtout aux berbères femmes et enfants de désert.

Ce fut dans l'agitation que notre installation dans la cour de l'auberge se faisait. Le traditionnel thé de bienvenue nous fut servi, installés sur d'épais matelas, nous étions les rois du pétrole...!.

Sous un filet d'eau chaude, nous nous débarrassions de la croûte épaisse de poussière accumulée durant cette semaine, quel bonheur,  et les lingettes furent distribuées au personnel féminin de l'auberge. Après s'être transformés en citadins, nous quittions l'auberge, dans le but de faire quelques achats de souvenirs au centre ville.

Le diner se passait dans le calme. Les arrivants d'un côté et les baroudeurs de l'autre des grands tapis dégustaient un succulant couscous mauritanien. La nuit envahissait petit à petit la cour de l'auberge et l'heure du repos était arrivé. Cette nuit là fut aussi mémorable que celles passées à la belle étoile dans les dunes. Elle fut pertubée par un vol sans cesse de moustiques. Ce fut vol de moustiques sur un nid de marcheurs, fatigués. Par désespoir je decidais d'utiliser un produit anti-moustique prévu pour les nuits dans les dunes. Après quelques Pchitt! Pchitt!! sur les parties de mon corps exposées aux assaillants, je parvins à m'endormir. Au petit matin j'avais l'impression d'avoir un visage doublé en volume. De ma trousse de toilette un miroir me renvoyait une image affreusement mutilée. Mes yeux goufflés, me brulaient. Mes joues également gonfflées avaient dû recevoir tous les rayons du soleil de minuit. Je ne fus pas épargné par les sacarsmes de mes compagnons, qui avaient subi toute la nuit cette odeur forte de ce produit anti-moustiques utilisé normalement, pour chasser les moustiques d'une chambre ou d'un tente saharienne!!!. Voilà ce qui arrive lorsque l'on ne lit pas la notice d'utilisation.

Avant le petit déjeuner il fallait préparer nos sacs. Christian égal à lui même, avait bien du mal à faire tout entrer dans son sac. Les 4x4 attendaient dans la rue nos bagages pour les conduire à l'embarquement. Les rues traversées en véhicule, n'avaient plus cette ambiance mystérieuse de la veille au soir. Des chèvres matinales escaladaient, très à l'aise des murets de pièrres, comme pour échapper à nos bruyants engins.

Sur le tarmac de l'aéroport, les marcheurs d'une semaine, les sahariens d'un rêve accompli, sont là, sac au dos ou à terre. Gilles nous rendait nos passeports et posait avec le groupe pour une dernière photo.

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Gilles nous rendaient nos passeport et posait avec le groupe pour une dernière photo

                         Le boeing 737 en provenance de Marseille était à l'heure. J'étais presque envieux des nouveaux arrivants, sachant dans quel magnifique désert ils allaient randonner. J'aurai donné beaucoup pour retouner dans ces dunes. Mais tout a une fin. Installé près d'un hublot je regardais la Mauritanie nous échapper dans une palette de couleurs chaudes comme le soleil qui faisait briller au loin et jusqu'à l'horizon le relief du massif Amogjar.

Encore beaucoup à découvrir dans ce désert, c'est promi et juré je reviendrais en Mauritanie, puis mes yeux se plongeaient dans "l'émeraude des garamantes" de Théodore Monod, permettant à mes pensées de s'évader de ce zinc. Ce samedi 28 février 1998 fut la fin de ma première randonnée au Sahara.

Je vous donne rendez-vous pour mes randonnées suivantes, en Algérie; Hoggar et Tassili du Hoggar, Tadrat la Rouge, Tassili N'Ajjer, au Niger; massif de l'Air et Ténéré, en Lybie massif de l'Akkakus, l'erg de Murzuk et Oubari.

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23 décembre 2007

de Jalet el Alba à l'oued Jougilat

                   Mardi 24 février trois heures du matin,je sors de mon sommeil. Le silence enveloppait notre campement de Jalet el Alba. Les myriades de constellations en l'absence de dame la Lune illuminaient le ciel. Pendant la nuit saharienne ne jamais ouvrir ses yeux car vous ne pourriez plus les fermer, tellement le spectacle est magnifique. La voûte céleste est toujours resplendissante. J'avais encore trois bonnes heures à dormir et à l'instant où j'allais fermer mes stores oculaires, soudain une étoile filante stria le firmament en traînant son panache de poudre d'or. Mes yeux sont figés et je reste en apnée jusqu'à disparition complète de cette star de la nuit . J'ai envie de manifester ma joie, mais ce fut mon secret jusqu'à ce jour. J'avais fait un voeu...Ces moments là sont magiques. J'ai eu bien du mal à plonger dans les bras de Morphée.

                        Tout près du bivouac la dune se dessinait lentement dans le ciel qui s'embrasait de teintes chaudes de l'aube saharien. Il est  six heures. L'air est un peu frais et il faut en profiter car il fera chaud aujourd'hui.

                        Le réveil d'un campement se fait toujours en silence dans une ambiance ouatée, feutrée où le baldaquin de notre lit s'empare de couleur dorée du soleil levant.                                             

             De part et d'autre des têtes surgissaient des sacs de couchage. Les bêtes de sommeil que nous étions avaient beaucoup de difficulté à s'extirper de leur litière. Nos méharistes étaient rassemblés autour du feu buvant leur premier thé. Ils donnaient l'impression de tenir discrètement conseil. Un nomade ne parle jamais très fort, comme pour ne pas briser le silence. Les randonneurs sont debout et se préparent pour une belle et longue journée. Le soleil était déjà haut quand nous déjeunions. Comme chaque matin nous participons au bât. Notre aide était appréciée par nos amis méharistes. Nos sacs au dos, nous nous engagions dans l'oued Faraoum. Ces dunes sont encore bien plus belles sous le soleil du matin. Admiratifs devant ce relief formé par les courbes majestueuses et sensuelles nous  perdions la cadence, lorsqu'un troupeau de chèvres conduit par un jeune berger escaladait une dune, pour disparaître derrière une autre dune à la recherche de quelques touffes d'herbe très rare.                      

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-Rencontre-

                       La vie est rude dans ces contrées, pour l'homme et encore bien plus pour les animaux qui mènent un perpétuel combat pour  survivre sous l'astre suprême, le soleil.

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-D'où viennent elles et où vont elles-

                      Après une bonne heure et demi de marche presque forcée, nous quittions les dunes en direction de l'oued pour atteindre la tarf. Sur notre chemin, un palmier solitaire surgissait majestueux, je fus surpris et me demandais  comment avait il pu être planté à cet endroit. Peut être était il le dernier survivant d'une oasis jadis hospitalière et rafraîchissante.

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-Prince du désert solitaire-

                             C'était toujours avec regrets que j'abandonnais les dunes, car c'était pour moi comme dans un rêve de marcher dans cette palette aux tendres couleurs, paradoxalement opposées aux multiples dangers qui pouvaient surgir de cette matière. Nous longions l'erg pour ensuite traverser cet oued. Il nous conduisait sur le tarf qui dominait ce site grandiose. Changement de marche, le sol devenait plus dur et nos chevilles n'appréciaient guère les cailloux. Nous étions vite arrivés haletants, sur le plateau. Gilles nous proposa une halte. Nous prenions le temps de vider nos chaussures et d'aérer nos orteils dans le vent du nord-est. Malgré cet alizé il faisait très chaud et nos gosiers devenaient de plus en plus secs. Dans le désert boire peu et souvent, évite bien des soucis musculaires. Il fallait vite assouvir notre soif, alors nos gourdes se vidaient. Pour aromatiser mon eau, j'y ajoutais quelques gouttes d'anthésite à l'anis qui était fort apprécié par mes autres compagnons de marche. A la mi journée le soleil frappait déjà très fort et les maigres acacias nous offraient très peu d'ombre. Le chèche devenait indispensable. Mettre son chèche n'était pas si aisé que cela, mais les démonstrations faites par Atman avaient fait de nous de vrais sahariens. Nous étions bien reposés, quand notre guide nous fit signe qu'il était temps de reprendre la petite piste tracée à travers ce reg. Ce plateau rocailleux et brûlant n'était pas trop étendu, heureusement!!!.

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-Malgré son apparence, de cet acacia émanait un parfum subtil-

                      Un subtil parfum régnait dans cette chaude ambiance. Les souvenirs olfatiques de mon enfance commençaient à s'éveiller. Ce parfum n'avait pas de secrets pour moi, c'était la fleur de l'acacia, mimosa épineux sauvage. Aucune végétation ne poussait sur ce plateau et pourtant ça sentait tellement bon. Personne d'autre n'avait  remarqué cette fragance. Dans le désert, des instants précieux comme celui-ci sont magiques. Dans le désert, il faut rester ouvert à toutes les sensations et ne pas être hermétique. Il faut être attentif, tous les sens aux aguets, tout simplement. La cadence était rapide et  forcée, car il fallait vite sortir de cet endroit hostile. A l'horizon  réapparaissaient enfin des dunes dansant dans la brume chaude comme un mirage. Sans autres indications, le reg que nous traversions, s'achevait  en pente douce vers l'oued Ouagchoda. La terre rouge s'était substituée à la roche noire, usante et maltraitante pour nos chevilles. Une haie d'acacias sous cette chaleur accablante, émergeait des butes de terre pétrifiée par le temps. Il fallait faire remarquer à mes compagnons d'où émanait ce parfum délicat, de ces minuscules fleurs jaunes perdues dans les épines blanches de ces branches. Après cette leçon de botanique, nous traversions l'oued sous un soleil écrasant et sans complaisance, pour  arriver enfin à notre campement de la mi-journée.

                       Il y avait des moments où nous souhaitions un ciel brumeux, car cette rapide traversée fut une épreuve pour nous. La soif était insupportable. Les gourdes furent vite à sec. Notre équipe de chameliers avait choisi un très bon bivouac dans l'ombre d'acacias. La vaillante équipe savourait cette ombre et profitait du petit air pour mettre en réanimation les orteils meurtris. Chacun d'entre nous avait repéré son aire d'isolement et de récupération pour s'y installer. Après une bonne marche comme celle-ci, il était rare que nous usions nos dernières forces à bavarder inutilement. En attendant l'invitation de notre chef cuisinier à passer à table (grande natte tressée installée sur le sable d'un endroit plat et dans l'ombre), nous apprécions la position allongée pour laisser nos muscles se détendre.

                      Ce fut sans précipitation que nous nous installions autour de la natte et regrettions déjà la position allongée. Au menu, une belle salade composée, et pour le dessert une pastèque avec toute sa rondeur et ses belles couleurs nous attendaient. Atman nous fit signe que la découpe était réservée à l'un d'entre nous. A constater la mine des autres je compris très vite que cette corvée était pour moi. Alors je pris la responsabilité du sacrifice de la pastèque en essayant de ne pas trop la faire souffrir. La chair rouge et sucrée nous rafraîchissait avec son jus succulent. Le thé nous fut servi assez rapidement, ce qui nous permis de retourner à notre petite sieste.

                      Les cris des dromadaires arrivant au campement nous arrachaient à notre sommeil. Ici Christian, traînant derrière lui son sac à dos abandonnait son lieu de repos. Là-bas Raymond encore allongé, entrait dans une gymnastique d'étirements, les yeux mi-clos. D'un buisson, une tourterelle profitait d'un petit vent pour nous faire partager son roucoulement. Toute sorte d'insectes ailés butinaient dans les acacias en fleurs. L'air était de plus en plus sec. Avec méthode et l'expérience acquise, le chargement de nos bagages se terminait rapidement. Les gourdes pleines et les muscles reposés nous nous dirigions sud-ouest 220° pour atteindre le village de Joalet au bord d'une guelta.

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                          -En direction du village Joalet.Je suis le dernier de cordée.-

                        Dans cette marche nous ne prenions pas le temps de contempler la beauté des dunes. Pressés de trouver cette eau dans une région aussi aride que celle où nous évoluions, nos pieds avançaient assez rapidement et nos yeux sondaient le sable, pour ne pas s'enfoncer. Gilles nous distançait facilement, il se déplaçait avec une légèreté déconcertante qui nous donnait quelques complexes. Il avait l'air de ne pas se soucier de son équipe, mais peut être était-il aussi pressé que nous l'étions, d'être au bord de cette guelta. Le changement de terrain fût rapide. Nous passions du sable à la roche, en quelques secondes. Cette pierre cassante tintait sous nos pas lourds et pressés, elle nous conduisait dans une rue bordée de maisons en pierre de même couleur. Quelques minutes auparavant nous ne nous doutions pas qu'un village se dissimulait dans cet erg. Les portes en bois lustré, étaient closes. Nous étions dans un décor de western. Ce village semblait déserté, quand à notre surprise, deux silhouettes surgirent de l'ombre. Nous nous approchions d'eux et leurs serrions la main. Ils avaient l'air étonnés de notre courtoisie. Nous échangions quelques "Salam al éikoum!". Cette rue descendait en douceur vers un plateau sableux.  En laissant derrière nous les maisons de Joalet il nous fallait encore traverser quelques dunes où la caravane nous attendait. Tous ensemble, descendions enfin vers ce lac insolite en espérant que ce ne fût pas un mirage.                                                                                  

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-Guelta de Joalet alimentée par les eaux de pluie-

                               Nous n'en croyions pas nos yeux et nous ne rêvions pas. C'était bien de l'eau, mais peu profonde. Dans d'autres contrées on se serait vite débarrassé de nos vêtements pour faire trempète. Mais là, cette eau avait pour nous une autre dimension. Gilles nous apprenait qu'il n'avait pas plu depuis deux ans. Les nomades de la région vénéraient cette eau car elle était leur survie, utilisée pour leur consommation. Alors nous la respections. Et l'envie de tremper nos pieds pour les rafraîchir quittait vite notre esprit. Une bande de terre jaune, d'une largeur de quinze à vingt mètres cernait le pourtour de la guelta. Le fond était également de terre couleur jaune. Ceci qui expliquait que le niveau d'eau se réduisait petit à petit. Notre méharée nous avait rejoint et les dromadaires ne tardaient pas à s'abreuver lentement pour mieux déguster cet instant de bonheur.

                      Pendant ce temps là nous  profitions  également de cette halte, pour vider nos gourdes. Dominique n'était en forme et se plaignait du mal au ventre qui le faisait grimacer. Sans doute ses intestins ne supportaient pas le régime alimentaire saharien. Avant d'arriver à Joalet j'avais remarqué que Dominique ralentissait sa cadence dans les dunes. Enfin nous l'installions confortablement sur l'ambulance de service, le dromadaire prévu en cas de malade ou de blessé. Quelque part nous l'envions car la journée fut pénible et nos jambes n'étaient plus aussi vigoureuses que cela. Il nous fallait traverser l'oued Chéda qui devenait en réalité un erg nouveau. Cet oued était envahi depuis vingt ans par de superbes jeunes dunes, de sable très mou, dans lequel il était très pénible de progresser. La végétation qui dominait cet ancien oued calotropis et acacias, émergeait encore et péniblement du sable conquérant. Combien de temps résisterait-elle?. Gilles toujours en tête près de la caravane, bifurquait vers la gauche, nous quittions ces dunes pour l'oued Jougilat dominé par le tarf. Il était temps d'augmenter la cadence, l'aprés midi nous semblait bien long et le bivouac du soir bien loin. Les vaillants randonneurs que nous étions, rattrapèrent la caravane. Dominique ne s'était pas endormi sur sa monture, en tête de la caravane, guidée par Atman. Je faisais tout pour ne pas me faire distancer par le dromadaire qui me précédait, mais ce n'était pas si facile que cela. Il marchait avec légèreté. Les soles, pieds du dromadaire, ne s'enfonçaient pas dans le sable. Nos pieds eux avaient bien du mal à rester en surface. Un chamelier expert pouvait en examinant les traces des soles laissées sur le sable, déterminer l'âge du dromadaire, si il avait bu depuis longtemps ou pas, si il était bâté, étonnant non?. La caravane ne ralentissait pas et nous avions des difficultés à suivre. Le soleil frappait fort et j'avais vraiment soif. La couleur terre ocre de l'eau de notre gourde je l'acceptais maintenant, ainsi que les particules d'herbe ou je ne savais quoi qui flottaient en surface. Il fallait faire vite pour boire, la caravane n'attendait pas. Du sommet de la dernière dune nous apercevions dans le secteur le plus bas de l'oued Jougilat, une large tache verte. De notre position, il nous était difficile de se faire une idée sur cet espace arboré. Etait-ce une oasis, était-ce de la culture?. Nous étions trop éloignés et la curiosité nous pressait. Il était dix-sept heures et nous venions de marcher durant deux heures trente. Nous nous déplacions en principe à une allure de trois kilomètres à l'heure dans l'erg, avec approximativement quinze kilomètres par jour dans les mollets. En descendant de la dernière dune, Gilles nous dirigeait vers ce jardin d'Eden. En fait une demi heure plus tard à notre arrivée nous constations que ce n'était pas un jardin mais un bosquet d'acacias qui émergeait du sable.

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-Bivouac dans l'oued Jougilat-

                             en fait notre équipe chamelière nous avait choisi un endroit de rêve. Nous étions dans un jardin des plantes à la façon saharienne. Les ondulations sableuses donnaient un air majestueux aux acacias. Des tourterelles, en couple, nous interprétaient de tous côtés du campement, l'hymne à la paix saharienne. Ce furent des instants de bonheur et nous en profitions sans mots dire. Nous avions tout loisir de choisir une excellente place pour la nuit et le choix était bien difficile. De mon emplacement enfin choisi sur une dunette qui dominait le bivouac, je pouvais observer, mais pas épier, mes compagnons et l'équipe de chamelier. Cela ressemblait à un film muet, avec pour musique d'accompagnement le chant des tourterelles. Dans ces moments là, j'oubliais mes petites souffrances que la marche de cette journée m'avait fait subir. Côté cuisine Gilles nous préparait du jus d'oranges, pas pressé, mais en poudre, dans pot à eau en inox.

                      A chaque arrivée au bivouac de fin de journée, Gilles exécutait ce rituel. Il déposait sur la natte un ou deux paquets de biscuits, le jus de fruits et parfois quelques friandises, dattes ou abricots secs. Les orteils à l'air dans des chaussures plus légères, nous nous réunissions pour goûter.

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              -Tourterelles au bivouac de Jougilat-

                         Dans la cuisine improvisée Raymond et Gilles se mettaient à l'ouvrage pour la  corvée de pluche et Atman entreprenait la préparation d'une Kesra (galette). Atman assis sur son tapis, avait les mains dans la fars (farine) qu'il mélangeait dans sa Jirka (Bassine) avec de alma (eau) dans laquelle il trempait sa pierre de zarla (sel). Il pétrissait avec énergie la grosse boule de pâte à en faire raisonner la jirka. La nuit tombait doucement et les dernières tourterelles nous avaient abandonnés pour la nuit. Atman était fier de nous faire cette démonstration et me disait: "prends des photos Rrrrrobèrrrr, pour montrer en France comment nous, on fait notre pain!". Cette simple tâche exécutée par Atman avait sur nous un effet magique. Les chameliers étaient allongés près du feu dont les flammes montaient haut et remplaçaient petit à petit la lueur du soleil couchant. A l'aide d'une badine Atman fit un creuset au centre du brasier. Il fit rouler la pâte entre ses mains tout en l'écrasant, pour obtenir rapidement une galette et la jetait dans le creuset. Avec sa badine il recouvrait la galette du mélange de sable et cendre chaude.

018_Atman_notre_boulanger              019_mis_au_four_de_la_taguela            020_le_sable_et_cendre_recouvre_la_galette

                      De voir Atman recouvrir de sable la pâte molle, mes dents commençaient à me faire mal. "Jamais je ne pourrais manger ce pain là" me disais-je. Il fallait attendre vingt minutes pour retourner la kesra qui avait pris déjà une couleur appétissante. Notre chef boulanger pratiqua la même opération pour l'autre face, et nous lui posions la question au sujet du sable que nous serions obligés d'avaler si nous mangions cette kesra. Avec un large sourire, il nous répondait, que pas un grain de sable nous n'aurions entre les dents. Sceptiques mais curieux tout de même, il nous tardait de passer à natte!!!.

                        Sortie du feu, la galette cuite résonnait sous les coups de badine que lui administrait son créateur pour contrôler la cuisson. Gilles terminait la soupe qui sentait bon tous les légumes de la terre et tous les épices d'Afrique qui commençait à titiller nos papilles. Mon estomac manifestait contre la faim subite. A genoux, Atman découpait la galette en petits morceaux, qu'il déposait dans  la jirka serrée entre ses jambes. De temps en temps il nous en offrait un petit morceau pour nous mettre l'eau à la bouche. La kesra était délicieuse et croustillante, à notre étonnement, pas un grain de sable sous la dent. Nous étions installés, impatients de manger cette soupe qui sentait si bon. Nos torches frontales étaient éteintes ce soir là comme pour apprécier la douceur de cette nuit et pour mieux savourer notre repas. De toutes les façons la torche frontale allumée attirait une multitudes d'insectes volants qui virevoltaient au-dessus de notre bol, pour nager ensuite dans la soupe, alors....

                        La robza (soupe) était divine. C'était une panade de luxe. Elle fut le plat de résistance de ce repas. Dominique avait bien soupé, il allait mieux. Nous ne tarderions pas à rejoindre notre couchage, accablés par les 36° de l'après midi. Les braises du feu de camp veillaient sur notre bivouac et nos yeux remplis de magnifiques images de cette belle randonnée, ne tardaient pas à se fermer. 

15 décembre 2007

Entre El Berbera et Jalet Alba.

                       Village semi dévasté, El Berbera est situé aux confins d'un reg venant par étonnement se jeter dans une minuscule oasis adossée à une falaise, paroi du tarf Keidert Eimet. Nous fûmes surpris par la fraîcheur dominante qui y régnait. Cette atmosphère se dégageait d'une source miraculeuse qui s'échappait de cette roche. Ce fil d'eau fraîche glissait sur un tapis de mousses diverses et de fougères. Nous restions un certain temps sans voix,  car nous  venions de traverser une région aride et sèche comme le tapis pierreux du reg El Bérbéra. L'eau du ru arpentait parmi une herbe assez haute et des palmiers et allait alimenter une petite retenue formée par un amas de roches et de sable. Une dizaine d'ânes avaient pris possession de cet environnement. Nous, les intrus, devions certainement les déranger par nos déplacements. L'instant de ce bonheur fut court car nous devions partir.                      

28_Dans_l_oasis_d_El_Berbera

                       L'oued Sassi, là où notre randonnée débutait, s'ouvrait très largement sur région encaissée dans une faille du Tarf Keidert. C'est vers quinze heures que nous quittions avec regrets cette oasis. Heureusement que le soleil avait bien du mal à percer la couche de nuage laissée par le vent froid du matin. La piste qui se déroulait sous nos pieds était très accidentée et suivait la paroi du tarf à notre droite. Ce fut notre première marche et, de cet apprentissage, nos chevilles en gardaient douleurs et fatigue. Heureusement, après une bonne heure et demi nous pouvions prendre quelques instants de repos dans une bergerie de pierres couleur sable et à la toiture de palmes, qui devait être certainement un refuge pour les bergers de cette région.

30_Pause_vers_16h00

                         Celà allait être très court car après avoir user du temps pour rafraîchir notre gosier, Gilles  sans scrupule reprenait la marche. Il nous restait qu'à le suivre si nous voulions arriver tous ensemble au bivouac. Gilles marchait avec légèreté. Le groupe suivait, mais très différemment. Son sac à dos devait être plus léger. Pour mes épaules, le mien était suffisamment lourd. Son poids de charge était certainement dépassé. Mais le désert est une aventure, et on ne s'engage pas à l'aventure sans garantie. Le contenu est très divers: la pharmacie prend une place principale dans son paquetage. Comme le prévoyait le carnet de route, tout y était. Il fallait soulager un éventuel mal de dent, une irritation des yeux, éradiquer une diarrhée, renforcer une cheville mal traitée, de quoi soigner les ampoules, des antibiotiques et de l'aspirine. La bibliothèque se résumait à un seul volume: le magnifique "Théodore MONOD" sa vie dans ses déserts. Les deux kilos de réserve d'eau étaient le lest quotidien de mon bât. Heureusement le délestage se faisait au rythme de la cadence de la progression et suivant l'intensité de Ra. Ah! j'oubliais les bonbons à la menthe pour le plaisir mais aussi pour rafraîchir et donner un peu de goût à l'eau fraîche de la guerba (peau de chèvre tannée) qui était suspendue sur le flanc d'un dromadaire. Il y avait et il y aura tout le temps, le papier de toilette et le briquet car dans le désert il ne faut rien laisser derrière soi qui puisse polluer. Le reste est biodégradable et nourrit les autres créatures!.

                   Nous avancions en descendant vers le creux de l'oued où le sable était omniprésent et soulageait nos pieds déjà meurtris par cette première expérience. Le temps s'écoulait, le ciel restait gris et le sable dansait devant nos pas, mauvais présage pour la nuit future!!!. Le terrain était assez plat. La température devenait douce. Nous progressions à travers des acacias desséchés aux épines blanches persistantes. Ces arbres donnaient une bien maigre nourriture aux chèvres de cette région. Il fallait à chaque bivouac se méfier de la présence de ces pointes acérées dans le sable, au risque d'en récupérer dans son couchage ou de marcher dessus. Certaines pouvaient traverser une semelle de godasse alors Aie! Aie! Aie!!!. Tiens, Gilles ralentit et nous apercevons nos méharistes occupés à débâter. Il est 17 heures et il est temps de s'arrêter. En général la tente n'est jamais montée par temps calme. Ce soir là les chameliers se pressaient à l'ouvrage et en quelques minutes la belle tente blanche saharienne était sur pieds. Elle servira de cuisine et de salle à manger pour ce soir. Nous étions à Timagasine après deux heures trente de marche.

                   Après avoir récupérer nos sacs, nous nous mettions à la recherche du meilleur emplacement. Malgré le vent et le sable qui volait nous dormirons à la belle étoile, car il ne faut pas oublier que le désert c'est l'aventure!!!. Du sable ce soir nous en aurons partout, dans les yeux, dans les dents et même dans le couchage demain matin au réveil. L'air était sec et sableux. Nos muqueuses s'asséchaient. Ailleurs, cette situation serait insupportable, mais ici en Mauritanie c'est presque normal. Donc ce soir, là il fallait parer à toutes éventualités d'ensablement total durant la nuit. La solution était de construire un paravent, avant que la nuit ne tombe, avec mes sacs, des pierres et quelques branches d'épineux puis le chèche par dessus tout ça en espérant que tout résistera.

                        Atman et son jeune aide  se mettaient déjà à l'ouvrage en cuisine, pour découper de longues lanières de viande  et les suspendre sur un buisson épineux. Après renseignement, c'était de la viande de chameau qu'ils mettaient à sécher pour la conserver. Cette viande fut certainement achetée à El Berbera. Gilles nous avait préparé du thé, oui mais du thé en infusette qui n'avait rien de comparable avec celui d'Atman. Mais il nous fit tellement de bien que nous en demandions encore. Des biscuits de fabrication mauritanienne étaient succulents. La nuit tombait assez vite. Nous étions sous la toile à l'abri du vent, notre torche frontale allumée. Le feu préparé par un expert, Atman, était magique. Nous faisions le point sur cette journée bien chargée en échangeant nos impressions sur toutes les difficultés rencontrées. Une odeur de soupe nous ouvrait l'appétit. Ce fut un régal!!

                       Après, la bise à toute la compagnie...NON!!! c'était une plaisanterie, il fallait se glisser dans son sac de couchage; pour se déshabiller, s'installer correctement, ranger près de soi les affaires utiles pour la nuit en espérant que le vent ne les emportera pas, tirer sur ses yeux le chèche et essayer de s'endormir.

La nuit était douce malgré tout et le sommeil mit du temps à venir. Ce soir Orion ne se donnera pas en spectacle. Le vent  soufflera toute la nuit.

37_Nous_allons_essayer_de_dormir

                   Aie! Aie! Aie! le sable est tombé toute la nuit, aidé par le vent il se faufilait partout et mon chèche ballotté par le zef n'était plus de grande utilité. Alors du sable, malgré mon sac de couchage fermé, j'en avais partout...!. La nuit fut très mouvementée et pour aller soulager  sa vessie, quelle histoire et je vous passe les détails. Les nomades, afin d'éviter les désagréments, s'agenouillent. C'est si simple que ça. C'est ce qui je fis par la suite dans toutes mes randonnées.

                     Lundi matin 23 février, 6 heures une petite éclaircie dans le ciel sableux nous laissait apercevoir la silhouette sombre du plateau du tarf. Après une toilette succincte, rapide mais efficace à la lingette, il faut ranger ses affaires après avoir bien pris soin de les débarrasser du sable. Je faisais tout mon possible pour ne pas être le dernier au petit dèj. Un bon thé chaud avec un peu de lait en poudre, pain d'épices, confiture, miel et tartines grillées, le petit déjeuner nous donne un peu de tonus pour la journée. Le matin Gilles voulait que l'on soit rapides et prêts pour un départ à huit heures. Mais un randonneur que nous appellerons Christian était rarement à l'heure. Il avait toujours un problème de remplissage de ses sacs ce qui occasionnait  quelques boutades et mise en boite. Il arrivait tout de même à nous étonner parfois. Je vous avouerais que les sacs sont, certains matins, trop petits. Le sommeil qu'il ait été bon ou mauvais, est le seul facteur responsable de notre comportement matinal, soit rapide, soit traîne savate!!!.

40_remplir_son_sac_quelle_gal_re___

                        Nos chameliers s'en étaient allés à la recherche des chameaux conduits la veille à leur pâture. Ils sont de retour. A la pâture les chameaux sont entravés, pattes avant liées. Il peut arriver parfois qu'ils s'éloignent en se dispersant, alors les récupérer devient une tâche très compliquée.

013_arriv_e_des_dromadaires

-Arrivée des dromadaires-

                     Nos vaillants dromadaires nous toisent à l'arrivée au bivouac. De découvrir le bât qu'ils seront forcés de transporter ne les réjouit pas du tout. Ils nous le font savoir en blatérant. J'ai toujours admiré leur élégance dans leur déplacement et surtout leurs yeux, parfois aussi clairs que l'eau d'un puits.

                      Nous quittons Timagasine par l'oued Sassi pour aller découvrir les superbes dunes de Zinet, les plus belles de cette région d'après Gilles.

44_les_dunes_de_Zinett

                       C'était magnifique et nos yeux n'étaient pas assez grands pour capter d'un seul coup ce panorama grandiose. Ce fut l'émerveillement total et tombions sous le charme de ces formes parfois sensuelles. Le ciel est gris alors les photos ne rendront certainement pas la réalité. Une palette de pastels, rose, orangé et jaune s'étale devant nous jusqu' à l'infini.  Nous nous délestons de nos sacs pour profiter amplement de ce spectacle. Un artiste peintre ne serait-il pas passé pas là et donné cette patine vieux rose à cette dune et cette patine or avec des veinures ocres à celle-ci?. Gilles avait raison. Nous étions comme des enfants devant une vitrine de Noël.

                       De laisser nos pas dans cet écrin nous gênait un peu, progresser dans ce milieu n'était pas toujours aisé. Il fallait soit emprunter les traces du précédant marcheur, soit choisir du sable assez résistant pour ne pas s'enfoncer jusqu'au genou. Sur les surfaces résistantes des petites vagues sont façonnées, tassées par le vent. Les surfaces molles  sont lisses. Enfin en règle générale, pour avancer dans de bonnes conditions il ne faut surtout pas quitter la cordée. Et c'est ainsi qu'après trois bonnes heures de marche, du haut des dunes  nous apercevions sur notre droite l'oasis  Jalet Ouba Mohamed El Kebir comme un écrin de verdure. La caravane nous précédait déjà en direction de l'oasis.

                       Jalet Ouba Mohamed el Kebir est un jardin d'éden. Grand fut notre étonnement en découvrant ses palmiers dattiers parfois hauts de quinze mètres. L'ombre et l'air ambiant moins chaud que dans les dunes, apaisaient notre fatigue. Les chameaux  délestés partaient à la pâture. Quelques buissons herbeux autour de notre bivouac apaiseront leur appétit.

                        Le thé est déjà servi sur un plateau par Atman, c'est notre apéritif mauritanien. Aidé par Christophe Raymond et Daniel, Gilles nous prépare une salade composée. Pendant ce temps là, nous soignons nos pieds meurtris, fripés et éclairés par ampoules en gestation ou déjà bien grosses. Ils avaient souffert dans les dunes.

                           La salade avait fait notre bonheur. Le repas terminé nous nous mettions à l'ombre dans les jardins sous les palmiers. Atman prend le temps de nous donner des détails sur la culture des dattiers. Il était fier de nous donner tous les détails intéressants sur la culture des palmiers. Chaque propriétaire donne un nom à chacun de ses arbres sacrés du désert. Pour féconder un narhla (jeune palmier) un rameau de semences qui ressemble à du mil est suspendu au coeur de l'arbre. Cette technique est répétée durant deux ou trois années, une assimilation artificielle en quelques sortes.

                           Cinq silhouettes revêtues de noir et accompagnées de jeunes enfants nous rejoignaient. L'une d'entre elles portait un enfant dans ses bras. Il avait l'air pas très bien et souffrait visiblement des yeux. Après bien de difficultés nous comprenions que la maman nous demandait des gouttes pour le soigner. Elle nous remerciait en nous serrant la main. Les femmes nous quittaient en nous souriant comme un au revoir. Ne jamais serrer la main d'une touareg si celle-ci ne vous la tend pas. C'est ainsi dans le désert, le respect.

035_chargement_du_b_t__c_est_le_moment_de_partir

                          Un vaisseau du désert blatère. Le bât est prêt. La petite sieste est terminée, vers quinze heures nous quittions avec regrets l'oasis Jalet Ouba et atteignions l'erg, puis un terrain rocailleux, plus accidenté qui surplombait les dunes. Il nous conduisait à nouveau dans l'erg de Jalet el Alba. Ce chemin était un raccourci.

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-Une descente rapide ça délasse les muscles-

                             Monter, descendre, s'ensabler dans ces dunes radiées par le soleil n'entachait pas le plaisir que nous transportions dans notre coeur. Dans de tels moments nous nous délections de tous ces petits bonheurs, au détriment de notre physique. Le sable qui envahissait nos chaussures, une ampoule qui nous forçait à boiter, le poids de notre sac, la sueur qui nous brûlait les yeux, le soleil qui nous écrasait, tout cela devenait plaisir et nous en abusions. Notre randonnée dunaire se terminait lorsque nous trouvions sur un plateau de roches noires qui dominait l'oued Jalet Alba. Une habitation de pierres simplement superposées, sans toiture et occupée par le sable, est-ce là notre prochain bivouac?. Nous passions mais sans nous arrêter. Virage à droite, descente par une piste bordée d'acacias et nous étions dans l'oued où notre caravane progressait tranquillement à l'horizon.

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Le comité d'accueil

                       Un comité d'accueil nous attendait. Des enfants, des femmes et des hommes nous souriaient, ça nous rassurait de sentir que nous étions les bienvenus. Les jeunes filles aux dents blanches sont belles et gracieuses.

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-Jeune Touareg (Toile faite par ma pomme 60x50)-

D'un " bonjour" à un "comment ça va" dans notre langue une discussion chaleureuse s'engageait avec ce sympathique groupe. Nous traversions des jardins, lorsque la caravane nous rejoignait. Les dromadaires manifestaient  toujours le même dédain et même qu'ils avaient l'air de nous demander si nous étions pas trop fatigués, ironiquement bien sur. Atman nous propose un petit tour de chameau jusqu'à notre bivouac. Christian est volontaire et terminait le chemin jusqu'au campement.                                                                                       

                                                                     

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                    -Christian avait bien du mal à se faire obéir-                   

                        Notre méhariste pas trop rassuré sur sa monture et avait bien du mal à se faire obéir!!!. Mais il avançait piano, piano mais sûrement.  Pendant ce temps là avec Christophe nous visitions les jardins clôturés de palissades fabriquées de palmes. Dans cette terre sableuse poussaient toutes sortes de légumes: carottes, haricots verts, tomates, coloquintes et mil. Pas très vaillant ce potager, mais il survivait à cette chaleur saharienne. Un puits très bien maçonné dominait dans ce havre de paix, l'eau était à trois mètres de profondeur environ.

                        L'aire de repos de ce soir là était adossée à une longue et belle dune pas très haute. Nous nous installions chacun dans notre chambre. A chaque arrivée notre soucis était de remplir nos gourdes d'eau du puits de couleur sable et y ajouter la dose de micro-pure afin d'éviter les problèmes intestinaux et le reste... La toilette terminée nous partions à la découverte de notre environnement. La nuit avançait alors que nos chameaux étaient conduits à la pâture. Deux hommes vêtus de bleu venaient nous rendre visite. Ils étaient jeunes, vingt à vingt cinq ans. L'un portait des lunettes de vue. Après avoir échangé nos salutations nous leurs donnions des détails sur notre randonnée. Ils maîtrisaient très bien notre langue, ils étaient maîtres d'école. Ils nous parlaient de leur travail et nous questionnaient sur la vie en France. Ils nous faisaient savoir que des dictionnaires de français leurs manquaient, car ils enseignaient notre langue.

                        Atman aidé de Gilles nous préparait le souper et le feu lançait ses flammes très haut dans le ciel presque obscure. Dominique comme par magie sortait de son chapeau une fiole de pastaga!!!!!. Oh quel bonheur!!!! Egoïstement nous dégustions cet apéritif inattendu et même avec de l'eau tiède, il était divin cet apéritif.

                        Le repas se passait bien et bon. De temps en temps quelques blagues racontées par Robert et des histoires par Raymond animaient notre soirée. En général la bonne humeur est de rigueur, elle fut souvent une bonne thérapie. La fatigue se faisait déjà sentir et chacun partait retrouver son sac de couchage. La nuit fut douce et calme sous le ciel de Jalet El Alba.

5 décembre 2007

Mon Désert.

Bonjour à tous mes lecteurs,

                       Il y a très longtemps m'obsédait l'envie de partager mes émotions, mes sentiments, mes joies et aussi les douleurs éprouvées depuis ma toute première randonnée dans un désert magnifique . Mais ils sont tous magnifiques, a chacun leurs secrets.

                        Cela a débuté lorsque nous survolions Lise et moi, et bien d'autres touristes, la côte mauritanienne en direction de Dakar. Je remercie du fond du coeur le commandant de bord d'avoir si gentiment  emprunté cet itinéraire. Non bien sûr, on se douterait bien que ce ne fut pas pour ma pomme!!!!. Mais mon seul regret ce jour là,  fut  de ne pas avoir pu profiter d'une halte, comme ça suspendu dans les airs pour pouvoir admirer ce spectacle grandiose. Mon hublot n'était pas assez large pour permettre d'embrasser d'un seul coup d'oeil ces murailles de dunes orangées qui se jetaient de désespoir dans l'océan avec toute une vie qui remonte à la nuit des temps. Cela se passait en 1997, un jour de janvier. C'était le coup de foudre.

                        Il a fallu une petite année pour mettre sur pieds cette toute première aventure. Pour la première il valait mieux être entouré de copains. Cela rassure dans les moments difficiles car un premier désert ça impressionne un peu et on se pose énormément de questions.

                        Le groupe étant formé, Christian, Dominique, Robert non pas bibi, Christophe furent mes compagnons durant une semaine. Trouver une agence, cela ne fut pas difficile, puis enfin la date de notre randonnée. Et c'est ainsi qu'un samedi après midi 21 février 1998 nous prenions tous les cinq la route de Marseille pour décoller de Marignane vers une heure du matin je crois, pour arriver à Atar à 7h30 du dimanche 22. Mais avant d'atterrir dans la lueur de l'aube mauritanienne, le soleil étant encore derrière l'horizon, notre avion nous donnait l'impression de chercher sa piste d'atterrissage perdue dans le sable.

Puis le contact se fit sur une piste très courte, depuis je pense qu'elle a dû beaucoup changer!!!. Bienvenue en Mauritanie.

                       Après  avoir fait connaissance de notre guide, rencontrer Muriel, Daniel et Raymond qui seraient nos compagnons et passer par la case douane, nous voici embarqués et entassés dans des 4x4 en direction de la ville que nous traversons assez rapidement pour arriver à notre auberge d'accueil, l'auberge Salima. Un petit déjeuner nous attendait et aussitôt nous  embarquions dans ces monstres de fer pour enfin quitter la ville, avec  hâte de nous trouver dans le vrai désert.                                                              

B_carte

                   

                    Bien loin de la ville vers 9h00 nous arrivons à une croisée des pistes. Un panneau fléché à gauche indique "Fort-Sagane". Nous ne la suivons pas et prenons la piste du massif Amogjar. Cet itinéraire nous conduit dans une gorge, c'est la passe EBNOU. La terre est rouge et la roche noire, c'est du grès. Sur cette piste qui ne cesse de grimper, j'essayais de me souvenir de mes prières car cela devenait dangereux. Je pense que le fond de mon pantalon était humide!!!. Ce fut dans un dédale d'énormes rochers décrochés du massif que nos véhicules essayaient de trouver un passage. On se serait cru dans le film "Le salaire de la peur". A force de me cramponner dans cette auto tamponneuse, j'avais mal aux mains. Christian qui se tenait à la place du mort et Dominique à ma droite, faisaient tout ce qu'ils pouvaient pour ne pas être éjectés du 4x4. Christian se retourne et nous sourit comme pour nous rassurer, mais il rit jaune...Le pilote fait tout ce qu'il peut pour nous sortir de là. Il maîtrise très bien sa monture et nous évitera de faire un petit tour au fond du ravin. Robert 2, Christophe et Raymond enduraient le même traitement dans le véhicule qui nous précédait. Si leur 4x4 tombait  en panne, c'était la catastrophe, nous n'étions pas sortis de l'auberge. Rester coincé dans cet environnement hostile m'effrayait. En tête du convoi le couple Muriel et Daniel ouvraient la piste. Ces décors de farwest étaient grandioses. Si j'avais eu le loisir j'aurai pu imaginer sur le bord d'un très haut plateau, un fier chef apache sur sa monture qui surveillait notre déplacement. D'un côté cette paroi rocheuse d'où se détachaient ces énormes blocs et de l'autre côté le ravin, très profond. Mais nos fiers, talentueux et chevronnés pilotes nous sortirent de cet enfer. Notre calvaire se termine et nous voici enfin sur le haut plateau où après deux kilomètres, certainement fatigué, maltraité par l'état de la piste, notre chariot tombe en panne. Si je me souviens bien c'était les fixations de la batterie qui avaient cassé. Pendant que certains s'occupaient à réparer, d'autres en profitaient pour se relaxer les jambes. En voiture!!! c'est réparé et nous reprenons  la piste dans un environnement différant. Pendant la traversée d'un reg notre piste avait tendance à nous perdre et se disséminait sous des cailloux noirs. Vers midi nous arrivions devant l'auberge "Des Méharistes" de Chinguetti, ville sainte de Mauritanie.

                        Nous séjournerons dans cette auberge de douze heures à quinze heures, pour respecter notre programme, le temps de  faire une petite toilette bien méritée, de déjeuner et de partir visiter la vielle ville ensablée de Chinguetti.

                        Après le repas des you you à l'extérieur de l'auberge attiraient notre attention. Ces chants provenaient d'un groupe de femmes et enfants, qui après renseignements fêtaient la naissance d'un enfant. J'en profitais pour fixer sur la pellicule ce groupe de  femmes en liesse, scandant aux rythmes de leurs mains une danse dans laquelle femmes et enfants étaient entrés sans craindre cette chaleur qui nous avait déjà écrasés. Cet instant fut tellement fort que j'en ressens encore aujourd'hui toute l'émotion. L'année suivante je décidais de m'initier à la peinture pour éterniser ce moment merveilleux..

      PICT0572

-huile faite par ma pomme en 1999, d'après photo, 100x50-

                       Gilles notre guide organisa une visite de la vielle ville de Chinguetti. L'oued fut long à traverser sous le soleil africain. Devant nous le sable envahissait les vielles bâtisses qui résistaient à l'assaut des dunes. Le minaret de la vielle mosquée montait très haut dans le ciel comme pour échapper à cet ensablement. Les pierres de ces maisons avaient de magnifiques couleurs. Elles céderont sans doute un jour sous le vent et deviendront sable à leur tour. Une visite à la très vielle bibliothèque était organisée. Un jeune guide nous attendait devant cette curieuse porte de bois avec une drôle de serrure. La clé était une sorte de peigne de bois avec six dents de fer je crois. Cet étrange outil ouvrait depuis la nuit des temps cette porte de bois polie par le sable et blanchie par le soleil. Sur des étagères de terre étaient déposés de très anciens manuscrits religieux  et quelques objets. La visite terminée nous rejoignions l'auberge de l'autre côté de l'oued que traversait un homme tout de bleu habillé.

                      Rassemblement dans la cour de l'auberge pour charger nos sacs dans la 4x4 et quitter cette ville mystérieuse. A quinze heures nous nous engagions dans l'oued HAJABAT EL KOUBRA.

                    Ici la végétation était encore présente. Des acacias, épineux en forme de bonsaï et calotropis, arbre de Sodome.

                                                                  C_Calotropis__arbre_de_sodome

                                                                            -Fleurs de calotropis, arbre de sodome-

L'arbre est toxique dans toutes ces parties, notamment par son latex, ce qui n'empêche pas d'avoir de nombreuses utilisations y compris médicales. D'après les mauritaniens il peut soulager les douleurs des femmes enceintes. Je me souviens plus quelle partie de cette arbre est utilisée pour cette cause. Ses fruits verts sont comparables à de petites pommes ovales, certains disent des testicules, d'où son nom vulgaire "arbre à couilles" donné par les légionnaires. Sèches nous pouvons les comparer à de légères lanternes. D'ailleurs une fois tombées elle volent facilement au vent. Son bois creux, léger et sec est un bon combustible. Plus tard nous traverserons des forêts de calotropis au pied des dunes.

                        Lorsque nous évoluons en terrain inconnu une drôle de sensation s'empare de nous: peut-être à cause de nos véhicules qui nous donnent l'impression de chercher leur chemin. Parfois nous avions du mal à franchir de petite dunettes, parfois les pneus se mettaient à patiner et nous rentrions dans une valse qui n'en finissait pas. Et patatras!!!, mauvaise manoeuvre en zig zag et plofff!!!! tout se terminait par un ensablement des quatre roues du véhicule que nous suivions, et la batterie se libérait à nouveau. Pause pipi, photos et voila nos randonneurs en herbe dans le sable jusqu'au coup en voulant s'en sortir. Notre guide Gilles, par son comportement, nous donnait l'impression de s'en amuser à nous voir ainsi. A tel point que nous nous demandions si cette situation ne faisait pas partie du programme, pour nous mettre à l'épreuve. Fin de l'après midi, nous arrivions enfin à AROUETINE pour notre premier bivouac dans le vrai désert.  Après découverte de notre environnement très proche, oui très proche, car je me demandais que pouvait-il se trouver de l'autre côté. Mais cela ne dura pas très longtemps. La confiance revenue, nous étions étonnés par le silence dans lequel nous venions de tomber. Ce fut merveilleux, c'était le paradis. Il était temps de nous occuper de nos sacs poussiéreux et de préparer notre "chambre à coucher". J'ai pu observer curieusement, que certains randonneurs, sans doute pour leur premier désert, se groupaient pour la nuit, alors que le grand espace leur appartenait. Donc cette nuit-là, j'en faisais partie. Le dîner frugal préparé par notre guide fut apprécié. Nous en profitions pour faire amples connaissances avec Gilles notre guide et les autres.  La nuit était complètement étoilée, regarder la voûte céleste donnait le vertige, comme une sensation de tomber dans le vide. De fixer une étoile assez longuement donnait l'impression de la voir se déplacer. La voûte céleste était magnifique. Orion brillait de tous ses feux. Les lumières des plus lointaines étoiles nous parvenaient sans peine dans cette pure clarté. Mon imagination s'emballe, je quitte mon couchage et m'élève parmi les étoiles. C'était trop fort et mes paupières se fermaient tard dans la nuit. Le sac de couchage fut fortement apprécié.

                        Le réveil de dimanche fut très lent car nous manquions d'énergie. Gilles nous fit quelques recommandations  sur notre comportement afin d'éviter tout retard dans notre programme. Sacs sur le dos il n'a pas fallu trop marcher pour rejoindre cette fois-ci les chariots. Après quelques minutes de piste le vent troublait l'horizon et le soleil disparaissait. Au bout d'un certain temps le vent froid nous obligeait à nous habiller plus chaudement. Tout était gris et nous n'étions pas à l'aise dans ce transport. Tout à coup nos 4x4 s'arrêtaient. Nous étions fortement étonnés car rien ne le justifiait. Quand tout à coup trois femmes ou jeunes filles vêtues de noir apparaissaient au bord de la piste. D'où venaient elles ? De nulle part! Ce ne fut pas un mirage!!! Elles faisaient du stop. Après quelques palabres elles nous offraient du lait de chamelle dans un bol de bois où des centaines de mouches montaient la garde sur le bord. Boire ou ne pas boire il faut décider. Refuser cela pourrait les vexer. Donc buvons, mais avant tout il faut chasser ces insectes un tout petit peu gênants et c'est peu dire. Après maintes précautions et en serrant les dents au cas où une ailée pourrait surfer dans notre gosier. Eh oui, il était bon ce lait, mais boire en serrant les mâchoires ce n'est pas très bien devant ces femmes qui nous épiaient du coin de l'oeil en ricanant. Dieu seul savait à ce moment là ce qu'elles se disaient. Nous les aidions à monter dans notre 4x4, Christian, Domique et moi étions leurs compagnons de voyage. Elles nous souriaient et nous partagions les mêmes souffrances, nous avions tous les cinq mal aux fesses. Il est midi et nous voici arrivés à EL BERBERA. Ce village nous semblait abandonné. Mais après quelques instants il s'animait. Nos tonitruants véhicules firent sortir de leur torpeur ces femmes et enfants qui nous entouraient déjà. Notre guide mauritanien Atman fit les présentations avec notre équipe chamelière, puis nous préparait un excellent thé.

23bis_les_auto_stopeuses

Ce fut mon premier thé dans le Sahara et il y en aura bien d'autres les années suivantes....

Vous aurez d'autres photos pour cette première partie.

La suite de cette randonnée vous sera contée une prochaine fois....

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