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Le blog de Robert
22 janvier 2008

Vers l'oasis d'Agmemine et Tignial.

                           Mercredi matin 4h, dans une position adéquate pour l'observation des étoiles, allongé dans mon couchage, le nez à l'air et les yeux grands ouverts, j'étais le spectateur privilégié le plus heureux de la planète. La voûte céleste n'en finissait pas de se poudrer la face par de petits coups de crayons de poudre d'argent. Certains n'en finissaient plus et ce feux d'artifice spatial me rendait tout excité à m'en couper le souffle. Le spectacle m'avait kidnappé des bras de Morphée. La constellation du scorpion avait bien du mal à capter mon regard, car pour mon plus grand bonheur la pluie de poudre d'argent n'en finissait plus. Puis tout à coup le ballet de ces stars de la nuit prit fin. Une petite bise fraîche venait chatouiller le bout de mon nez, c'était déjà le petit matin.

                           La douce lueur du jour effaçait petit à petit les scintillements du tableau noir de la nuit. Le rendez vous matinal avec le soleil, fût très rapide. Ils nous restait peu de temps pour apprécier la fraîcheur de la nuit.  Avec l'ascension du soleil, l'air devenait de plus en plus doux et nous nous lancions dans le rituel de chaque matin; toilette, rasage pour les plus courageux, équipement vestimentaire, provision en eau et quelques friandises. Raser avec une lame sa barbe durcie par le vent sec, la chaleur, la sueur, le sable et la fatigue est le plus grand des supplices, dans le désert saharien. Puisque tous ces poils avaient décidé de résister, alors j'y avais renoncé. Sauf Christian, il avait prévu dans son paquetage un rasoir électrique, à piles!!!!!!. Ce qui occasionna quelques boutades à son adresse de notre part, nous ses compagnons. Mais entre nous, il fût sollicité de temps en temps par chacun d'entre nous, pour un petit rasage succinct et à la sauvette sans trop se faire remarquer.

                            Le petit déjeuner consommé, Gilles nous invitait au briefing pour cette journée. Sur le sable, il traçait notre parcours, en insistant sur les points fort de cette marche.

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        -Parcours du mercredi 25/02/98-

                                                                                     

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- je réinsère cette carte pour un meilleur suivi du repérage de notre progression-

                                  L'objectif de la matinée était d'atteindre l'oasis d'AGMEMINE. Gilles était un peu notre encyclopédie, notre guide du routard du désert mauritanien et ses connaissances nous laissaient souvent admiratifs.

                         Cette oasis fut achetée il y a très longtemps par un grand Marabout. Son enthousiasme et son bonheur furent tellement immenses, qu'il en décidait de nommer ce jardin "Agmémine" en arabe, ou " La demeure de la vraie vie". Toutes ces informations nous donnaient un peu plus de courage, pour reprendre notre marche.

                        Vers huit heures nous quittions Joubilat avec un peu de regrets, pour une marche sans trop de difficultés à travers de superbes dunes. Nous prenions le temps, sans trop en abuser, de les contempler. Nous étions émerveillés  et surpris par ces courbes harmonieuses. A chaque arrivée sur le haut d'une crête, c'était toujours et toujours l'infini qui s'étalait à perte de vue devant nous. Dans d'autres circonstances cela pouvait être décourageant et dramatique, mais là nous étions comblés, mais aussi trempés, car il faisait très chaud.

004__les_Akles

-Les aklès jusqu'à l'infini-

                        Vers neuf heures trente, nous évoluons toujours plein nord et pénétrons dans le dédale des aklés. Ces dunes sont très particulières par leur formation. Elles sont basses et très serrées. Elles sont soudées étroitement et y pénétrer demande une maîtrise parfaite de la marche ainsi qu'une économie de ses réserves physiques. Ce paysage était certainement plus magnifique, que la piste Paris-Roubaix, mais cette formation lunaire ressemblait à une immense tôle ondulée. Dans cette région, le vent souffle régulièrement et toujours dans le même sens, est vers ouest. Ces dunes sont plus mobiles et envahissantes. Malgré nos chaussures qui se noyaient dans ce sable, malgré nos genoux fortement sollicités par ces efforts soutenus et ces pas irréguliers, nous étions en contemplation, là nous étions vraiment des privilégiés. Face à l'infini, nous étions des conquérants fascinés par cet océan figé et silencieux.

                            Cela faisait une heure que nous avancions, quand le tarf du Keidert-Eimert fit éruption de cet erg. Les aklès commençaient à recouvrir en forme d'escaliers, la pente douce de ses collines. Sans doute dans plusieurs décennies,  le tarf sera recouvert par le sable. La direction nord nous éloignait peu à peu des aklès qui se jetaient dans l'oued Touerga.

                                               005_regarder_bien_en_bas_de_photo_notre_caravane_dans_creux_de_dunes

                              -Regardez bien dans deux creux des dunes, notre caravane qui progresse-

                           L'immensité laissait place au tarf qui donnait des limites à  l'horizon. La ville de TENTANE se dessinait peu à peu au-delà de l'oued Touerga. A l'aide de mes jumelles, l'un après l'autre découvrait cette cité saharienne. Sans doute à cause de l'éloignement, cette ville nous paraissait mystérieuse et insolite dans un tel environnement. Et pendant ce temps là, notre caravane disparaissait derrière les dernières dunes, pour pénétrer dans l'oued. Après une rapide descente,  nous étions sur la piste tracée par les soles de nos dromadaires. La végétation de l'oued, s'intégrait en harmonie, en formant une frontière naturelle, entre l'espace sablonneux et le grès sombre du tarf. La distance s'amenuisait entre la ville et nous. Des petites dunes que les alizés poussaient sans cesse, commençaient à cerner Tentane. Combien de temps, toutes ces bâtisses résisteront elles à l'invasion dunaire?. L'idée que rien ne pouvait arrêter cet ensablement, nous rendait songeurs et un peu tristes. Notre guide nous apprenait qu'un médecin Français, nommé Roger, s'était installé dans ce petit coin perdu du monde, pour pratiquer sa médecine; c'était une chance inouïe pour sauver ces habitants des maladies sahariennes.

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-Jardin de l'oued Touerga-

                          Étonnants ces jardins potagers, avec un sol sec et sableux, une chaleur sans pitié, un vent à sens unique et un puits pas très généreux, les jardiniers pouvaient récolter toutes sortes de légumes. En suivant la seule piste à travers ces jardins potagers nous découvrons avec stupéfaction, des carrés  de carottes (en bonne santé!), des haricots verts et bien d'autres légumes.

                             Des enfants surgissaient de ces jardins, et rentraient dans notre train de marche. Ils étaient nombreux je crois, et à coup de "Bonjour comment ça va, ça va bien", tout en criant pour les moins farouches et en souriant uniquement pour les plus timides, dans un parfais français, ils nous accompagnaient jusqu'à la limite des derniers jardins. La chaleur est accablante, nos pas devenaient difficiles sur cette piste pierreuse. Les écarts  entre les vaillants marcheurs augmentaient petit à petit. La fatigue commençait à se faire sentir. Nos pas trébuchaient, c'était en principe l'heure de la pause. Mais nous étions légèrement en retard sur notre briefing du matin et nous ne devions pas mollir!. En suivant cette sacrée piste, nous passons près de belles constructions cubiques, ce qui nous surprenait. D'après Gilles, il s'agissait de greniers à céréales, en berbère " Agadir". La piste s'élargissait au fur et à mesure que nous avancions pour enfin nous conduire parmi des cases faites de palmes et de roseaux. Les dômes des toitures brillaient sous le soleil. Ces habitations étaient dispersées sur une vaste étendue de sable dur, elles étaient disposées par groupes de deux ou trois. D'assez loin ce village semblait déserté. Notre arrivée avait suscité une certaine effervescence et comme à chaque fois des enfants se joignaient à nous en nous interpellant. Nous en profitions pour ralentir et même nous arrêter. Des occupants de certaines cases sortaient, certainement inquiets par les cris des enfants. Robert et Christian furent interpellés par une femme, qui rapidement étalait devant sa case un tapis, pour y installer des objets: théières de toutes sortes, des colliers et bracelets, des corbeilles et même quelques magnifiques poignards. Sous son insistance nous sommes gênés de partir sans rien acheter, car l'heure n'était pas à faire du troc, mais à se détendre à l'ombre de cette oasis qui nous ouvrait largement cet éden aux magnifiques palmiers. Christian et Robert avant de partir rassuraient cette nouvelle commerçante, qu'ils seraient de retour après le repas. Pas dans la langue Française, ni Mauritanienne, mais dans un langage gestuel. C'était amusant de les regarder faire. Quelques centaines de mètres nous séparaient de cette extraordinaires oasis.

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"L'accueillante oasis d'AGMAMINE"ou "la demeure de la vraie vie"

                          Enfin du vert de vert et  des arbres, ils étaient surprenants tous ces palmiers. Ils n'étaient pas très hauts et poussaient en bouquets, ce qui donnait un petit air de parc public. Le sable chaud reflétant les rayons du soleil, circulait à travers ces bosquets miniatures. Pas de comité d'accueil en vue, nous ne savions pas où nous diriger et nous n'étions pas certain que notre caravane était déjà installée. Atman fit éruption de l'ombre d'un bosquet en nous indiquant l'emplacement de notre bivouac. Nous étions heureux de vite nous libérer de nos sacs, pour vite nous allonger sur le sable bien plus frais que celui des pistes,  dans cette ombre épaisse.  Pendant ce temps là, Atman disparaissait, comme un fantôme, puis revenait avec les verres de thé fumant sur un  plateau. Nous étions bien, dans l'ombre de cette forêt saharienne, à en oublier presque la chaleur accablante. Le thé chaud et bien sucré, calmait nos petites douleurs. Une salade de riz apaisait vite notre faim, suivie d'une orange mauritanienne bien sucrée et juteuse. Pendant le repas Atman nous apprenait qu'un puits se trouvait quelque part dans l'oasis. Quel bonheur!!!, mais pour le moment notre préoccupation était de faire une petite sieste à l'ombre et nous reposer. Armée de mon savon et ma serviette, j'étais déjà  à la recherche de ce fameux puits, c'était un jeu de piste. L'oasis était assez grande pour être vite découragé et perdre tout espoir d'une bonne douche dans le Sahara....Le puits aurai pu m'échapper, mais rien ne pouvait passer inaperçu à ce moment là, car une envie d'eau claire et fraîche me faisait suspecter toute forme qui pouvait me rappeler un puits. Le voilà, c'était un trou d'au moins un mètre cinquante de diamètre. Quelques pierres déposées tout autour soutenaient une tôle ondulée. Sur le sable, un seau de caoutchouc noir était prisonnier d'une corde qui ne me semblait pas trop résistante, pour accomplir sa tâche. Après un coup d'oeil à trois cent soixante degrés, pour me rassurer que j'étais bien seul, je me  retrouvais comme Adam. Je tirai sur sur cette corde de ce trou noir. Le seau sortait de l'ombre du puits pour me surprendre. Il était presque vide. Je ne comprenais pas. Ce seau était percé sur sa circonférence  à dix centimètres du fond. Tant pis je versais déjà ce peu d'eau sur moi. Ce fut un délice, le rêve quoi!!!. Après deux ou trois aller retour, j'étais bien trempé. la douche terminée, je me sentais bien plus léger qu'au matin dans les aklès. En fait, le seau était ainsi percé pour éviter tout simplement le gaspillage de cette eau sacrée. De retour au bivouac je mettais au courant Christophe de ma découverte et l'y conduisais, en lui expliquant le coup du seau percé...Christian et Robert avaient choisi de retrouver la marchande de souvenirs!!!. Le reste du campement dormait. Lorsque Christophe était de retour, suivi de nos deux explorateurs qui avaient fait quelques achats,  notamment une belle théière de métal argenté et  ciselé, Gilles sonnait le réveil de la troupe. Les dromadaires comme avant chaque départ, se faisaient entendre, toujours avec les même vocalises. Nous les comprenions, car reprendre le chemin, après la sieste, était fortement démoralisant. Nous étions prêts.

                        Avant le départ, nous finissions de remplir nos gourdes. Nos chevilles et rotules grippées, auraient apprécié une prolongation dans cet îlot de verdure. En baroudeurs presque confirmés, dans un effort surhumain et sans nous attendrir sur l'état de nos articulations, nous emboîtions le pas dans la foulée derrière Gilles. Nous avions bien du mal à rentrer dans la marche et nous regrettions déjà "La demeure de la vrai vie". Mes mollets étonnés par ce départ précipité étaient déjà douloureux à la limite de la déchirure musculaire. Maintenant toute l'équipe suivait notre "gazelle" qui, nous étonnait toujours par sa condition physique. Normal c'était LE CHEF!!!.

                        Un chemin traversé par un filet d'eau qui creusait à peine le sable, nous éloignait sans détours et avec regrets de la palmeraie. Nous traversions rapidement cette zone humide, en se faisant le plus léger possible pour éviter l'enlisement. Puis la température de son coté, ne nous épargnait pas avec sa chape de 36°. Sous le cheich mon crâne restituait déjà toute l'eau stockée avant le départ. Je fus étonné par le volume d'eau bu, sept à huit litres, en une journée durant cette randonnée. Les soulagements de la vessie, malgré cette quantité d'eau, furent très rares.

                         L'oasis disparaissait en douceur derrières les dunes de l'oued, quand tout à coup, la piste nous opposait au premier abord, à un chaos minéral inquiétant pour nos gambettes. Nous restions immobiles juste le temps de trouver un chemin idéal à travers ce dédale de roche noire. Après observation, des petites sentes sableuses sillonnaient au milieu de cette croûte minérale et  luisante au soleil. Sans doute une pluie très lointaine, avait fait tracer ces petits chemins, en pensant qu'un jour ils nous serviraient à nous conduire au sommet de cette colline.

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Cette croûte noire et luisante, tintait sous nos pas, comme du métal.

                         Après une bonne heure d'ascension, je commençais à resentir une drôle d'impression, comme si j'étais seul dans cette galère. Effectivement, à 360° j'étais bien seul. J'essayais  en vain de repérer une silhouette, quelque chose en mouvement, rien!!!. Avais-je été semé par mes compagnons, ou avais-je semé mes compagnons?. Là était la question. Une chose me rassurait, notre point de chute, sur la dune qui dominait cette colline que je commençais à distinguer. Donc pas de panique à bord et continuons notre ascension péniblement, après quelques gorgées d'eau tiède de ma gourde. Le doute commençait à s'emparer de ma carcasse fatiguée, les reverrai-je une fois arrivé là haut? Dans le désert la fatigue laisse la porte ouverte à toutes sortes d'hallucinations comme les mirages, et à toutes sortes de pensées bizarres, comme s'imaginer assis sous un parasol, les pieds dans une eau claire et limpide, en dégustant une bonne bière bien fraîche, ou alors une immense panique qui vous fait battre les tempes, comme ce fut le cas. La peur à mes trousses me donnait des ailes et mes pas devenaient plus rapides et plus longs, sans tenir compte de l'état de mes articulations. J'avais l'impression de marcher sur mes rotules. Je comptais énormément sur la résistance de mes chaussures, car mes pieds devenaient maladroits et rataient souvent leur points de chutes. Mes chevilles imploraient ma pitié, mais je ne les entendais pas. J'avançais tête baissée, le nez laissant échapper de temps en temps quelques gouttes de sueur. Le magma noir solidifié, le sable et quelques hautes herbes défilaient à une vitesse marathonienne sous mes yeux rougis par la sueur que mon cheich ne pouvait plus absorber. Panique quand je te tiens tu ne me lâches plus!!!.La théorie énonçant: "les moments de bonheur sont les plus courts et les moments de malheur sont les plus longs", était applicable à ce moment là. Mais j'osais espérer que pas un théoricien ne pût jusque là, dicter ou écrire cette ridicule maxime. Mes mollets étaient à la limite de résistance sous les coups de butoirs de mes talons portés au sol, tantôt très dur, tantôt mou. Mon sac à dos devenait  de plus en plus lourd. Avec la mort à mes trousses, serai-je obligé de me délester peu à peu de mes affaires, comme dans un mauvais film d'aventure ?. non car déjà l'air frais soulevait avec légèreté le sable de la dune qui cernait la crête rocheuse, dominant le colline. Enfin la récompense arrivait et je m'allongeais sur la dune respirant à plein poumon, face au vent léger. J'ôtais mes chaussure en espérant une apparition imminente de mes compagnons. Ce fut le cas. A quelques dizaines de mètres à ma droite sur la crête de la dune, Christophe en tête suivi de Dominique et des autres me rejoignaient. Les retrouvailles furent chaleureuses. J'avais cru déceler quelques inquiétudes dans le groupe à mon sujet. IL fallait vite tourner la page de cet épisode. Entre nous j'étais un peu fier d'être arrivé seul dans cette aventure. Moralité, dans le désert ne jamais perdre de vue ses compagnons, sans pour cela marcher sur leurs godasses, être très attentif au changement de son environnement et toujours prendre un point de repère au fur et à mesure de la progression.

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Retrouvailles la haut sur la colline

                            Guidés par Gilles, nous explorions le site à la recherche d'une grotte, où des gravures rupestres témoins d'une civilisation vieille de cinq milles ans étaient encore visibles. La visite terminée, nous partions maintenant retrouver notre caravane qui devait en principe nous attendre au bivouac. En descendant la face nord du tarf en direction du bivouac, nous apercevions notre caravane qui progressait lentement dans un pâturage devant faire certainement le bonheur des chameaux. Nous le rejoignions rapidement. Heureusement l'endroit du campement était très proche. Nous apprécions le moment où la caravane s'arrêtait. Nous n'étions pas les seuls, car les animaux aussi avaient l'air heureux et ils nous le faisaient savoir par leurs blatèrements de soulagement. L'endroit était assez plat et confortable pour tout le monde. Et comme chaque soir, nous partions à la recherche d'un emplacement idéal pour la nuit. Nous étions arrivés à Tignial.

                            Gilles participait déjà à la préparation du dîner, nous les marcheurs fatigués par cette belle journée harassante, de marche forcée et avec de souvenirs plein les yeux, nous nous préparions comme tous les soirs, afin de passer une bonne nuit réparatrice. Ce soir là, les dromadaires ne seront pas conduits très loin pour les pâturages, nous étions dedans. Après le thé infusette et quelques biscuits, la position horizontale était la meilleure après les soins portés à mes pieds. Le soleil se faisait discret derrière la colline et notre bivouac s'enveloppait petit à petit dans son manteau de nuit. Ce soir là, de hautes flammes éclairaient le campement pour éloigner la fraîcheur nocturne. A sentir cette odeur de cuisine qui flottait sur nos têtes, notre appétit grandissait très vite. Ce soir là plat unique, un couscous nous était servi,préparé par Atman aidé de Gilles et des autres chameliers. Jusque ce soir au niveau de l'intendance nous étions très satisfaits. Mais pour ce dîner là nous avions été comblés en toute simplicité. Tous les meilleurs épices d'Afrique étaient dans notre assiette, ils nous réchauffaient et nous conduisaient dans un sommeil bien mérité. Les discussions autour du feu avaient été très courtes.

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En descendant la face nord du tarf, en direction du bivouac, nous apercevions notre caravane.

                                   Jeudi 26 février six heures trente, par dessus les dunes le ciel s'irisait de douces et chaudes teintes, orangées et rosées.  Le spectacle à ne pas manquer dans un désert, ce sont les premières lueurs du jour. Sortir le bout de son nez de sa couette et  laisser la dernière fraîcheur de la nuit vous réveiller tout doucement. Encore un petit effort et vous êtes assis sur votre lit. Vous tâtez le sable, il est frais. Alors vous explorez autour de vous et personne ne s'agite sur le campement. Tout est calme. Très près de vous, le premier moula-moula s'impatiente sur une herbe, en attendant quelques reliefs du petit déjeuner. Si vous avez un peu de chance vous pouvez surprendre une  petite gerbille qui abandonne votre bivouac en zigzaguant, avec la petite touffe de poils du bout de sa queue qui s'agite dans tous les sens. Avec un peu plus de clarté vous devinez les formes allongées de vos compagnons dans leur duvet. Si vous êtes au milieu de la pâture, comme ce matin là, vous pouvez voir un dromadaire profiter de l'herbe recouverte de rosée matinale. Ces instants là sont magnifiques. Mais ce matin là mes douleurs de la veille, me retenaient un peu plus que d'habitude, dans le fond de mon couchage, J'avais raté ce spectacle, alors que les premiers rayons accentuaient déjà le relief des gracieuses dunes.

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Vous pouvez voir un dromadaire...

                                 Vers huit heures trente, après un très bon petit déjeuner et le briefing, nous partions en direction du nord-ouest. La roche remplaçait très vite le sable moelleux. Nous devions franchir la crête rocheuse du tarf. Tout ce qu'il fallait pour faire resurgir nos vieilles douleurs de la veilles. Nous atteignions rapidement les hauteurs malgré les petites courbatures. La vue panoramique que nous découvrons, était surprenante. Nous surplombions  l'oued Jouali Térabane avec ses jardins dissimulés dans le creux des dunes en premier plan, puis les barcanes océan de sable aux formes divines, que le soleil embrasait délicatement. Dans ces jardins les alizés faisaient danser les majestueux palmiers. Une muraille de dunes protégeait le travail de l'homme, qui devait être expert en jardin, car nous fumes surpris par la diversité de légumes cultivés dans ces plates bandes d'une couleur verte à vous couper le souffle. Des palissades de roseaux abritaient une plantation d'acacias qu'un berbère arrosait délicatement, l'un après l'autre les jeunes plans, avec une boite de conserve et l'eau d'un seau métallique. Cela pouvait être le symbole de la vie et de l'espoir. Le Mauritanien est persévérant, fier et tenace. Tous les éléments de cette rude nature ne semblent pas être un obstacle. Tant qu'il y a de l'eau il y de la vie. Nous  continuions notre découverte. Des palmiers nous donnaient l'impression d'être hissés vers le ciel par les dunes. Certains même, résistaient à l'engloutissement fatal du sable en mouvement. Combien de temps ces superbes jardins pouvaient-ils résister à cette invasion? Nous les abandonions avec regret.

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Puis les barcanes, océan de sable aux formes divines...

                          Les alizés commençaient à forcir dans l'oued Térabane, et les Barcanes s'agitaient maintenant. Le sable dansait sur ces dunes et nous commencions en subir les inconvénients. Mais le supplice ne dura pas longtemps, la danse du sable nous poussait maintenant, dans notre direction nord-ouest. Nous apercevions loin devant nous la caravane. Les chameliers avaient ralenti leur cadence. Le sable danse de plus en plus haut. Nos paupières se plissaient pour éviter ce sable volatile et nos dents commençaient à grincer. Nous arrivions à rejoindre la méharée. Atman me propose de terminer cette marche, transporté par un de ses vaisseaux du désert. Pauvre bête en plus, elle fut forcée également de transporter mon sac. A observer ma trombine, Atman comprit que cela ne m'enchantait pas trop d'imposer cette charge à ce pauvre chameau. Mais il arrivait à me persuader, ayant pour arguments que ce chameau avait porté bien plus lourd que moi et mon sac. Enfin je me laissais tenter.  Atman fit plier les jambes avant du chameau. Il m'aidait à monter, car j'étais vraiment maladroit. Les chaussures sont interdites sur le dos de ma monture. Elle avait beaucoup de difficultés à se redresser. Perché à deux mètres du sol j'étais confortablement installé sur une peau bien laineuse, souple à souhait. En fin de compte je n'étais pas si mal que cela, alors que mes autres compagnons continuaient la marche. Puis ce fut au tour de Christophe de prendre place sur un autre taxi du désert disponible. Le chameau de Christophe avait beaucoup de mal à se redresser. Les autres compagnons commentaient avec beaucoup d'ironie cette situation....

                      Devant nous le relief devenait plus plat. L'oued Térabane perdait de sa largeur, et devenait plus accueillant, de  hauts buissons et de magnifiques acacias, cassaient la monotonie. Le vent chaud reprenait de sa force en rentrant dans un couloir, formé de part et d'autre de murailles rocheuses. La chaleur également s'amplifiait. Cette piste nous conduisait dans l'oued Abviode. Maintenant le paysage changeait d'aspect, au rythme de notre progression. La fin de la matinée était proche et le soleil au zénith ne nous épargnait pas. Nous étions perdus dans une immense vallée où le sable toujours en mouvement s'accrochait désespérément à la moindre touffe d'herbe, pour essayer de faire naître une ridicule dunette maigrichonne. Nous ne sommes pas seuls dans cette vallée où, deux mauritaniennes moulées par le vent dans leur voile noir, suivaient deux ânes. Sur l'un, un enfant à l'allure très fier, se laissait transporter. Atman fit ralentir la caravane. Notre bivouac ne devait pas être bien loin. Aussitôt pieds à terre, nous soulagions nos pauvres chameaux. Le vent compliquait légèrement notre installation. La  végétation avait semble-t-il résisté aux agressions du temps dans cet endroit. Atman et Gilles, après avoir trouvé un emplacement, décidaient de dresser la tente de toile blanche, la Khaïma, pour nous abriter  du sable, durant le repas.

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la khaïma, pour nous abriter surtout du sable durant le repas.

                            La dégustation du traditionnel "thé in the Sahara", nous permettait de nous reposer sous ce chapiteau saharien. Christophe et Gilles, aidaient déjà Atman à la préparation d'une délicieuse salade composée, plat unique mais tellement savoureux. Nous avions même eu  droit  aux miettes de crabe, c'était l'opulence. La marche de la matinée nous avait largement ouvert notre appétit, puisque pas une olive et une miette ne purent résister à notre faim.  Maintenant malgré les intempéries, chacun  d'entre nous partait faire sa petite sieste, dans un endroit le moins venteux possible. Je tournais le dos au vent, installé sous un immense acacia, pas très loin de la khaïma, face à la grande dune de Chatou El Srir, que nous devions escalader dans l'après midi. Le vent n'avait pas l'intention de se calmer. Il maltraitait les pauvres branches de mon arbre hospitalier. Transportés par ce vent, des ronflements de quelques dormeurs, sans doute très fatigués me parvenaient. Je résistais au sommeil, pour profiter amplement de ce bonheur. Paradoxalement, j'appréciais  vivement ces moments de repos, dans cet environnement plutôt accablant par la chaleur, puis le sable volant, et aussi les mouches dans leur symphonie saharienne, qui tentaient désespérément d'accomplir un plan de vol assez tumultueux, contre le vent. Atman notre saharien accompagnateur, méhariste et cuisinier avait l'air de profiter pleinement de ces moments de répit, assis à quelques mètres de ma position. Oh surprise Gilles a déjà son petit sac sur son dos!....Il fallait se résigner à partir. Dans l'oued Abviode écrasé sous un soleil de plomb, le vent perdait de sa force. Je regardais derrière nous, regrettant notre bivouac. Nous progressions lentement, sauf  Dominique  qui avait pris de l'avance.  Notre guide se retournait souvent comme pour nous encourager. Bien loin devant nous, au pied de Chatou el Srir l'oued prenait un virage à 90°vers la gauche.

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Bien loin devant nous, au pied de Chatou el Srir, l'oued prenait un virage à 90°vers la gauche.

                                   Le vent d'est dominant, aidait régulièrement le sable de couleur ocre, à s'envoler de l'autre côté de Chatou El Srir pour s'en aller former une étonnante dune de cent vingt mètres de hauteur, accrochée  à l'autre versant. Celui que nous devions escalader, était plutôt rocailleux et dans une forte déclinaison. De loin, cela ne nous paraissait pas trop pénible à grimper. Nous nous rapprochions lentement. Christophe nous fait  désespérément signe, en nous indiquant l'endroit où un fennec s'était laisser surprendre dans son déplacement.  Pour le plaisir des photographes, des dromadaires se trouvaient dans le cadre de Chatou El Srir, broutant paisiblement les petites feuilles inaccessibles des acacias. Maintenant nous contemplions de très près Chatou El Srir, et nous commencions à jauger nos efforts pour arriver au sommet. Il fallait évoluer au milieu d'énormes rochers d'un éboulis, ce qui allait compliquer et ralentir notre ascension. L'insistance de mes compagnons m'aidait à me surpasser et oublier le vertige. En général, le plancher des vaches ( des dromadaires ) me convient très bien. Plus tard dans d'autres randonnées et dans le Hoggar, plus précisément la maîtrise du vertige se fera et je sortirais vainqueur de ces expériences.

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Nous voici au sommet de Chatou El Srir

                       Nous voici au sommet de Chatou El Srir, et nos efforts en furent récompensés par une vue à trois cent soixante degrés qui s'offrait en nous émerveillant. Le soleil sur le chemin du crépuscule, commençait à dorer cette dune qui dévalait sous nos pieds pour se perdre jusque dans une forêt de calotropis. Devant un si beau spectacle, le silence est toujours de rigueur, nous restions admiratifs quelques instants. Avant de reprendre notre marche, je prélevai un petit échantillon de ce sable aussi pur que l'air qui nous enivrait durant cette pause.

                       Par sa déclivité, la pente était impressionnante. Il fallait maîtriser sa vitesse, en plongeant profondément dans le sable encore chaud, le talon droit et se redresser le plus possible, pour ne pas se laisser emporter.

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Il fallait maîtriser sa vitesse, en plongeant profondément...

                         Ce fut notre récompense, de dévaler cette dune en quelques secondes. Mais en bas, dans l'oued Abviod, nous étions forcés de nous délester du sable que nos godasses avaient récupéré pendant cette descente vertigineuse. Nos mollets avaient perdu leurs contractures dans une course vers les profondeurs de l'oued. Nous continuions notre randonnée en traversant une impressionnante concentration de calotropis. Après une demi heure de marche, nous franchissions la dernière dune qui nous faisait obstacle. Le versant nord abritait notre bivouac du petit air déjà rafraîchis, qui annonçait le début de soirée.

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Nous continuions notre randonnée en traversant une impressionnante concentration de calotropis

                     Notre bivouac ce soir là ressemblait à un immense nid douillet entouré de belles dunes. Nous avions l'avantage de trouver quelques acacias, qui nous donneront un peu de bois sec pour l'intendance. Nous étions seuls et notre caravane n'était encore pas au rendez vous. Nous en profitions pour aller explorer notre nouvel environnement. A l'est, les dunes étaient assez hautes et se teintaient des douces couleurs du soleil couchant. J'avais pris position sur l'une d'elles. De mon poste d'observation, j'apercevais la caravane qui se dirigeait vers nous, en suivant la crête des dunes. C'était toujours une joie de voir évoluer une caravane, à l'heure où les ombres s'étiraient. Assis sur ce sable encore chaud, je profitais de ce spectacle jusqu'à son arrivée au  bivouac. Les dromadaires étaient déjà délestés de leur chargement avant mon retour au campement. Le feu était alimenté par Atman, qui pour nous récompenser, nous préparait un bon thé bien mérité. C'était la dernière nuit que nous passions dans ce vrai désert, et elle se devait d'être belle et inoubliable. En attendant le service du thé, je profitais de ces moments de détente pour faire quelques photos souvenirs de ce formidable groupe. A observer les visages de chacun, chameliers et randonneurs, j'étais sûr que nous partagions le même bonheur. Ce bonheur pour avoir admirer des paysages magnifiques, ce bonheur pour avoir pu conduire ces randonneurs jusqu'au bout du chemin, ce bonheur pour avoir passer ces six jours sans accidents, Atman était fier et heureux.

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Atman était fier et heureux.(assis à gauche du feu, son cheich noir sur les épaules)

                     La nuit gagnait du terrain et ils nous fallait préparer notre couchage. le dîner fut chaleureux, ce fut le moment pour revivre en commun les meilleurs souvenirs. Les flammes montaient très hauts. Elles étaient si lumineuses qu'elles arrivaient à sortir de l'ombre les douces pentes des dunes qui nous protégeaient, de quoi?, mais des indiens voyons!!!. Nous étions tous des enfants ce soir là et nous allions laisser libre cours à nos rêves.

                    J'occupais un poste périphérique du bivouac, je voulais être seul au monde pour cette dernière nuit. Je revivais sans doute, de mes jeux d'enfants près du beau feu que j'avais allumé avec quelques branches bien sèches de calotropis et d'acacias. C'était mon feu et il éclairait aussi bien que celui du bivouac, il ne manquait plus que les indiens, ben oui, je vous le disais bien!...

                    De mon sac, Morphée ne m'y avait pas encore kidnappé, car des mélopées accompagnées par des percutions déviaient mon attention bien au-delà du campement, et le sommeil cette nuit avait pris beaucoup de retard malgré la fatigue. Ces chants venaient du village de Tounga que nous devions traverser plus tard. Ils semblaient exprimer une joie, que tout le monde ici avait certainement  envie de partager. En fin de compte, ces messages de liesse finirent par nous transporter dans le monde du sommeil, après nous avoir bercer sous les constellations d'Orion, des Gémeaux et de la Grande Ours.

                    Nous sommes vendredi 26 février, une petite bise du jour qui pointe nous rafraîchissait. De mon feu de camp de la veille, avait survécu qu'une poignée de charbon. Rapidement je partais à la recherche de bois sec, alors que le campement était encore sous ses couvertures. Un bon petit feu m'encourageait à me préparer et rassembler toutes mes affaires dans mon sac. Pendant ce temps là, le bivouac s'activait et le dernier petit déjeuner du désert était prêt, puis consommé.

                   Maintenant il fallait escalader les remparts de notre campement. Les dunes assez hautes mettaient vite  nos jambes encore endormies à l'épreuve. Le souffle court, j'arrivais tout de même  à suivre Gilles. Arrivés sur la plus haute dune, nous jetions un dernier coup d'oeil derrière nous sur notre bivouac de la veille.

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nous jetions un dernier coup d'oeil derrière nous sur notre bivouac de la veille.

                         Nous regagnions l'oued Abviode vers 9h00, et traversions du reg. Le changement de technique de marche, nous imposait une vigilance soutenue, pour éviter l'entorse sur des pierres rondes et qui se déplaçaient facilement sous nos pas. Sur notre droite nous apercevions le village de Tounga, d'où nous parvenaient les mélopées de la nuit précédente. Avec mes jumelles je pouvais constater, que certaines maisons sont construites en pierres de formes rectangulaires et d'autres de formes rondes, sont entièrement recouvertes  de palmes séchées. Les constructions de pierres étaient des maisons communes et les demeures se groupaient par paires, par trois ou quatre. 

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Le village Tounga.

                        Nous étions séduits par cette harmonie de couleurs, nous étions en contemplation devant Tonga, ce superbe tableau, accroché au versant du tarf. Je songeais aux chants de la veille, j'aurai donné beaucoup pour être parmi ces villageois. Nous traversions le village, par le chemin principal. Nous étions rejoints par des femmes très souriantes. Nous échangions nos politesses. Gilles n'avais l'intention de s'arrêter et nous le regrettions, mais il nous fallait arriver sur piton qu'il était possible d'atteindre seulement en traversant un dédale de cailloux. La cadence rapide de nos pas déplaçait ces pierres dans un bruit métallique,et nos chevilles souffraient en silence. Au point le plus haut, ces pierres étaient utilisées par un homme qui construisait un petit bâtiment. Il disposait ces pierres avec adresse et perfection. C'était de l'art. Le choix de cet emplacement était bien étudié car la future maison dominerai toute la vallée. Ce que nous constations lorsque nous arrivions tous au bord de cette falaise qui dominait une immense oasis. Des milliers de palmiers dattiers s'étalaient à perte de vue, c'était magnifique. Nous n'avions jamais vu autant de palmiers en une seule concentration. Ce panorama était époustouflant, il nous rendait muets. Un vent léger faisait balancer ces milliers de palmes dans un mouvement de vagues, qui étincelaient sous les rayons du soleil.

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Ces ondulations luisaient sous le soleil au zénith.

                         Pour pénétrer dans ce jardin d'Eden, nous devions faire un plongeon d'une trentaine de mètres. Je pense que nous n'avions jamais été aussi rapides, mais la descente fut périlleuse. Des pierres roulaient sous nos pas. Nous traversions rapidement cette oasis car nous étions dans des jardins. Un jeune berbère nous rejoint. Il transportait sur son dos un sac, rempli de haricots verts qu'il venait d'acheter. Il nous précédait dans une bonne foulée. Ce chemin devait être le sien. Nous quittions l'ombre des palmiers pour des tamaris. L'eau ne devait pas être loin. Nous suivions une piste au pied d'une falaise. Ce chemin faisait des caprices. Nous étions forcés pour le suivre de monter et descendre accrochés à cette falaise. Il était dix heure trente lorsque à travers de très gros rochers de granite, nous apercevions une magnifique guelta. C'était le célèbre guelta de Tounga, qui dormait dans un immense cirque cerné par un plateau gréseux qui s'ouvrait largement dans la direction du nord et à perte de vue sur un reg de roche noires. L'eau était turquoise et limpide. Sur la paroi de la falaise on pouvait remarquer les traces des différents niveaux d'eau. D'après notre guide en décembre de l'année précédente le niveau était plus haut de dix mètres au moins. Cette guelta était alimentée par des nappes phréatiques, dans les profondeurs du plateau gréseux. Nous avions tous une seule envie, c'était de tremper nos pieds meurtris. Mais l'eau est toujours un trésor dans le désert et mettre ses pieds dans ce réservoir de vie aurait été un sacrilège. Donc nous nous abstenions. Cette eau était la propriété de nos hôtes, les berbères.

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C'était le célèbre guelta de Tounga

                       Au centre de cette photo sur une plate-forme au dessus de l'eau, vous pouvez apercevoir notre petit groupe, profitant de la fraîcheur de la guelta. Si nous voulions ne  pas  porter notre  guide, durant la suite de notre périple, il fallait  maintenant nous occuper de son pied gauche. Notre guide marchait les pieds nus dans ses sandales. Ses pieds noueux, avaient la même couleur que ses sandales, brun foncé. Forcés d'affronter le sable brûlant, les regs et les rochers aux arêtes affûtées, des versants du tarf et le cram cram, ses pieds brunis par le soleil, étaient tels des morceaux de bois secs et noueux. C'était un vrai marcheur expérimenté.

                          Le cram-cram est une graine très sèche et dure. En forme d'étoile à six branches, cette arme secrète de la nature est la hantise des touaregs et des pauvres marcheurs comme nous, en quête d'aventure. Chacune de ces branches se termine par un petit hameçon aussi résistant que le bois des acacias. Si cette graine arrive par malheur à percer le cuir de votre voûte plantaire, vous avez toutes les peines du monde à vous en débarrasser et si vous y arrivez, c'est dans la douleur que l'opération se passe. Donc tous le groupe se mit aux petits soins de Gilles, qui en profitait pour se faire dorloter. "c'est bien la première fois que je me fais soigner par des hommes", nous disait-il. Et nous en profitions pour nettoyer ce pied...!.

                        Après l'effort le réconfort, des fruits secs firent notre affaire et nous endossions ce sac à dos, qui avec la fatigue aidant, devenait de plus en plus lourd!. Une fois la paroi de sable péniblement escaladée, nous progressions dans un reg de roche noire luisante et coupante. La progression se fit vers le nord en direction de Chatou-el-Kébir. cette petite montagne ressemblait étrangement à Chatou-el Srir de la veille. C'était le même massif gréseux contre lequel une magnifique dune s'adossait côté versant ouest. Nous contournions par l'ouest ce massif, tout en admirant pour une dernière fois une dune digne de ce nom. Des femmes et enfants nous accueillent à la traversée du village d'El Kébir, certaines nous rejoignent et leur hospitalité nous étonnait beaucoup. Des signes d'amitiés furent échangés. Des enfants tout en chahutant nous accompagnaient et nous réclamaient des cadeaux. Poussés par un vent très chaud, nous arrivions enfin au dernier bivouac.  De nos chaussures lourdes, fatiguées et remplies de ce sable, nous nous délestions, tout en regrettant tout de même notre compagnon de chaque seconde, le sable. Nous l'avions admiré sous toutes ses formes, mangé quelques fois, mais jamais maudit!. Nos chameliers sont déjà installés sous la grande coupole d'un mimosa saharien. Soucieux de notre confort, ils avaient débarrassé cette aire de repos de toutes ces épines fines et blanches qui pouvaient nous blesser. Cette matinée fut pénible et nous nous retrouvions vite en position allongée, pour consommer pleinement de cette douceur de vivre, même dans ces contrées hostiles.

                     Ce fut alors le moment de préparer le dernier repas dans le désert. Gilles, accopagné de Raymond et Atman se lançaient à préparer une salade composée. De la présence de morceaux de pommes dans cette salde, Dominique s'en étonnait. Mais cela ne ralentissait pas sa faim. Christophe n'a pas trop faim, moi non plus. L'excellent thé d'Atman nous avait suffi. Les enfants du village très proche, étaient là, autour de notre bivouac. Raymond se mettait à l'écart, traînant son sac à dos. Peu de temps après avoir déguster ce fameux thé, je partais en quête d'un endroit calme et ombragé. Un mal au ventre commençait à m'inquiéter. Dans ces moments là, les dunes sont drôlement hospitalières. Le vrombissement des véhicules 4x4 nous arrachaient à notre sieste.

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Des enfants tout en chahutant nous accompagnaient

                       Nous nous mettions en condition, pour abandonner ce paradis d'un autre monde. Nous regrettions déjà les moments les plus pénibles, cette dégustation du bonheur autour du feu, le soir sur le sable encore chaud. Nous regrettions aussi les nuits étoilées traversées en rêves dans une autre planète. Nous étions tout à coup, obligés de subir ces chevaux de fer et regrettions les blatèrements de nos compagnons les dromadaires.

Nos sacs changeaient de montures, pendant que les chameliers se reposaient tout en assistant aux préparatifs du départ, vers le civilisation. C'est le moment de faire nos adieux à nos compagnons berbères, qui durant six jours nous ont aidé à profiter au mieux de leur désert et à l'aimer. La déchirure fut émouvante.

Maintenant toujours en direction de ce nord, nous sommes installés dans ces chars d'assaut, résistants à toutes épreuves. Par une piste en moyenne corniche, après deux heures de route, un de nos véhicules a des problèmes de radiateur. Nous  sommes étonnés de constater la manière de traiter cette panne. Avec l'eau d'un puits très proche, le pilote arrosait copieusement le moteur d'où une épaisse vapeur s'y dégageait. Après refroidissement du moteur, nous continuions notre chemin, avec la peur au ventre de terminer en carcasses desséchées dans ce massif. Maintenant nous traversons le village d'En ouakâne Tifoujar qui se trouvait à une heure de piste d'Atar. Cette piste nous conduisait vers un poste de gendarmerie pour subir un contrôle, étrange situation après ces jours de liberté. Tout se passa bien, nous étions en règle!!!!!!Ouf!!!

Nous quittions cette piste, pour circuler sur une route digne de ce nom, et bitumée de surcroit. Les premières habitations d'Atar nous escortaient pour passer devant un bâtiment hébergeant des militaires français en coopération en Mauritanie. Mais cette voie goudronnée est très courte et nous voilà maintenant dans la poussière des rues d'Atar. Arrivée à l'auberge, point de départ de notre randonnée, ce fut le moment de dire adieu aux belles dunes, barcanes, palmiers, plateaux gréseux, guelta et surtout aux berbères femmes et enfants de désert.

Ce fut dans l'agitation que notre installation dans la cour de l'auberge se faisait. Le traditionnel thé de bienvenue nous fut servi, installés sur d'épais matelas, nous étions les rois du pétrole...!.

Sous un filet d'eau chaude, nous nous débarrassions de la croûte épaisse de poussière accumulée durant cette semaine, quel bonheur,  et les lingettes furent distribuées au personnel féminin de l'auberge. Après s'être transformés en citadins, nous quittions l'auberge, dans le but de faire quelques achats de souvenirs au centre ville.

Le diner se passait dans le calme. Les arrivants d'un côté et les baroudeurs de l'autre des grands tapis dégustaient un succulant couscous mauritanien. La nuit envahissait petit à petit la cour de l'auberge et l'heure du repos était arrivé. Cette nuit là fut aussi mémorable que celles passées à la belle étoile dans les dunes. Elle fut pertubée par un vol sans cesse de moustiques. Ce fut vol de moustiques sur un nid de marcheurs, fatigués. Par désespoir je decidais d'utiliser un produit anti-moustique prévu pour les nuits dans les dunes. Après quelques Pchitt! Pchitt!! sur les parties de mon corps exposées aux assaillants, je parvins à m'endormir. Au petit matin j'avais l'impression d'avoir un visage doublé en volume. De ma trousse de toilette un miroir me renvoyait une image affreusement mutilée. Mes yeux goufflés, me brulaient. Mes joues également gonfflées avaient dû recevoir tous les rayons du soleil de minuit. Je ne fus pas épargné par les sacarsmes de mes compagnons, qui avaient subi toute la nuit cette odeur forte de ce produit anti-moustiques utilisé normalement, pour chasser les moustiques d'une chambre ou d'un tente saharienne!!!. Voilà ce qui arrive lorsque l'on ne lit pas la notice d'utilisation.

Avant le petit déjeuner il fallait préparer nos sacs. Christian égal à lui même, avait bien du mal à faire tout entrer dans son sac. Les 4x4 attendaient dans la rue nos bagages pour les conduire à l'embarquement. Les rues traversées en véhicule, n'avaient plus cette ambiance mystérieuse de la veille au soir. Des chèvres matinales escaladaient, très à l'aise des murets de pièrres, comme pour échapper à nos bruyants engins.

Sur le tarmac de l'aéroport, les marcheurs d'une semaine, les sahariens d'un rêve accompli, sont là, sac au dos ou à terre. Gilles nous rendait nos passeports et posait avec le groupe pour une dernière photo.

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Gilles nous rendaient nos passeport et posait avec le groupe pour une dernière photo

                         Le boeing 737 en provenance de Marseille était à l'heure. J'étais presque envieux des nouveaux arrivants, sachant dans quel magnifique désert ils allaient randonner. J'aurai donné beaucoup pour retouner dans ces dunes. Mais tout a une fin. Installé près d'un hublot je regardais la Mauritanie nous échapper dans une palette de couleurs chaudes comme le soleil qui faisait briller au loin et jusqu'à l'horizon le relief du massif Amogjar.

Encore beaucoup à découvrir dans ce désert, c'est promi et juré je reviendrais en Mauritanie, puis mes yeux se plongeaient dans "l'émeraude des garamantes" de Théodore Monod, permettant à mes pensées de s'évader de ce zinc. Ce samedi 28 février 1998 fut la fin de ma première randonnée au Sahara.

Je vous donne rendez-vous pour mes randonnées suivantes, en Algérie; Hoggar et Tassili du Hoggar, Tadrat la Rouge, Tassili N'Ajjer, au Niger; massif de l'Air et Ténéré, en Lybie massif de l'Akkakus, l'erg de Murzuk et Oubari.

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